dimanche 24 juillet 2016

Ego


十個盤坐九個瘋
Dix assis dans la posture du lotus, neuf fous.

滿則損,謙受益
Le plein ne peut que se vider, l’humilité est bénéfique.




L’égo est une notion qui est censée surgir à un moment où un autre lors de l’entraînement. Il est souvent vu, si ce n'est comme quelque chose de mauvais, au moins comme à maîtriser ou réduire. Parmi leurs nombreuses prétentions, les arts martiaux sont supposés entraîner l’égo.
Cependant, pour qui s'entraîne depuis un certain temps, cette prétention paraît un peu surfaite. Nul besoin de dire que les systèmes de grades, les uniformes, les diplômes d’organisations et leurs propres prétentions, "traditionnel" étant la plus célèbre d’entre elles, les compétitions, l’enseignement de masse, les interviews, la référence à un guide suprême ou même, le star système…, ont exactement l’effet inverse à ce qui est souhaité si on s’entraîne à "忘我自己", s’oublier soi-même… Ecrire un blog, comme celui-ci, aussi…
De plus, avant même d’essayer de réduire son ego, il faut déterminer quel type de pratique on étudie. En effet, les pratiques anormales fonctionnent à l’inverse, elles nécessitent son augmentation, puisqu’elles travaillent sur les émotions. Devenir berserk, comme c’est souvent entendu, concerne la rage, et les visualisations les sensations, l’un des principaux facteurs créant des émotions. Les deux requièrent un ego libéré, pas un ego maîtrisé. Ce qui suit ne s’applique donc pas aux pratiques anormales qui, elles, exigent quasiment l'opposé.
Comme l’ego semble être devenu cette sorte de notion très étendue dans les arts martiaux, une sorte de désignation commune pour de nombreuses fautes supposées, peut-être qu’il vaut mieux parler à la place de la pratique originelle, "s’oublier soi-même", et son inadéquation comme loisir, et les autres notions liées comme la confiance, l’humilité, la modestie, et le contrôle de ses émotions qui peuvent être plus facilement appliquées quand on vit en société.




S’oublier Soi-Même

Cette notion est un bon exemple de certaines techniques qui requièrent une méthode très stricte qui ne peut pas être appliquée en société, et encore moins comme loisir.
Il est également essentiel de réaliser en premier lieu que de nombreuses bases, exercices et prérequis étaient si évidents pour les anciennes générations qu’ils sont devenus quelque chose à faire sans réfléchir aux raisons sous-jacentes. Un peu comme les gens de nos jours qui font le salut militaire sans savoir qu’il est fait de cette façon parce qu’il était utilisé comme un signe pour montrer qu’on ne portait pas de couteau pendant l’Empire Romain, ou parce que les chevaliers en armure du moyen-âge remontaient leur visière avec la main droite quand ils rencontraient un autre chevalier. Parce que les raisons sous-jacentes ont été oubliées, plus les arts martiaux sont devenus obsolètes, plus ces bases ont été négligées, si ce n’est totalement mises de côté. S’oublier soi-même pouvait être accompli seulement par une vie monastique, et pas autrement.

En effet, avant de s'oublier soi-même, il faut oublier tout le reste, collègues, relations, amis, même la famille si possible. Autrement dit, pour travailler sur son ego, il faut d’abord apprendre à commencer à ne pas du tout se soucier des autres, tout le contraire de la compassion, qui est une émotion. En société, une telle attitude serait qualifiée de psychopathie ou sociopathie, sans les aspects criminels bien sûr. C’est la première raison pour laquelle on ne pouvait pas débuter ce type de pratique sans d’abord renoncer au monde, c’est-à-dire toute sorte de vie sociale, pendant un certain temps. Les plus hauts niveaux, selon les anciens, convenaient à ceux qui n’avaient plus de liens de famille, les plus difficiles à briser. Donc, autrefois, et on en entend parler de moins en moins aujourd’hui, il était assez commun pour un artiste martial d’entrer en réclusion pendant un certain temps "閉門".
Vivre dans la cour la plus reculée de la maison (traditionnellement, les maisons chinoises étaient faites de nombreuses cours entourées de bâtiments) en n’autorisant personne à venir jusqu’à ce que le niveau désiré soit obtenu, la nourriture laissée à la porte, était une pratique courante.
La seconde raison est que, pour s’oublier soi-même, il faut nier les sensations et les émotions. Pour être capable de faire cela, il faut être dans un environnement approprié, offrant le moins de sensations et d’émotions possibles. Le meilleur dans ce cas est aussi la réclusion.

Un parallèle avec les régimes alimentaires peut être fait. Il est impossible de faire un régime sérieux en ayant une maison pleine de nourriture, en invitant et étant invité à des dîners. Si l'on veut laisser une chance à un régime de réussir, il faut être prêt à refuser tous les dîners en société et à avoir seulement le minimum de nourriture nécessaire chez soi. Si on ne fait pas cela, on peut faire preuve d’une volonté inflexible et observer strictement son régime, mais cela aboutira aussi à gaspiller sa nourriture et imposer aux autres ses choix de vie, ce qui n’est pas le meilleur comportement social. Nul besoin de dire qu'il pas très intelligent de rendre des choses difficiles encore plus pénibles.

Le parallèle avec les régimes peut aller encore plus loin. On entame un régime pour de nombreuses raisons, l'apparence, essayer de changer ses habitudes alimentaires ou même les formater en éliminant certaines des mauvaises habitudes, si ce n’est toutes. Il y a donc, plus ou moins trois sortes de régimes :
Celui à court terme dont le but est de perdre le plus de poids le plus vite que possible,
Celui à plus long terme où l’on fait un régime pour changer ses habitudes alimentaires, le but étant de ne pas regagner ce qui vient juste d’être perdu,
Le jeûne ayant pour but d’ôter totalement certaines mauvaises habitudes alimentaires, comme consommer trop de sucre.

Tous servent des objectifs différents avec effets différents sur la santé, pas terribles quand on yoyote avec ceux à court terme et peut-être meilleurs dans les deux autres options. Cependant, ils nécessitent tous, et spécialement les deux derniers, une phase de transition avant et après. Avant, pour rendre le régime plus efficace et la transition moins douloureuse. Après, pour éviter les problèmes de santé liés à un passage trop brutal d’une alimentation très légère, voire nulle, à une très riche. Donc, dans les cas les plus extrêmes, comme un jeûne de plusieurs jours, un retour très progressif de la non alimentation à une liquide, puis très progressivement vers une nourriture plus riche est toujours essentiel. En d’autres termes, approximativement, pour jeûner efficacement sur 7 jours, il faudra à peu près le même temps de préparation, et pour éviter tout problème de santé, le même nombre de jours pour un retour à un régime normal. Trois semaines quand on a une vie très occupée n’est pas une chose si facile à obtenir.

S’oublier soi-même ou trouver la paix intérieure fonctionne pour l’esprit de la même façon qu’un régime le fait pour le corps. Donc, il y a :
Les courtes retraites, souvent en groupe, quelques jours, peut-être une semaine, pour se couper d’une vie mouvementée,
Les plus longues, elles aussi principalement en groupe, dans le but d’apprendre des techniques pour calmer l'esprit, et qui peuvent être utilisées quand on retourne à la vie normale,
Une longue retraite, seul, pour changer drastiquement son rapport aux sensations, émotions, et sentiments.

Tout comme les régimes, elles nécessitent des phases de préparation et de retour à la normale.
Pour la préparation, il faut comprendre que s’oublier soi-même n’est pas se débarrasser de ses problèmes. Si quelqu’un vient en retraite avec des problèmes hantant son esprit, il y a des chances qu’ils le hantent pendant la retraite, ou au moins au début. Pour comprendre comment s’oublier soi-même, il faut venir aussi pur que possible psychologiquement. Donc vous devez d’abord apprendre comment purifier votre psychisme et prendre votre temps pour le faire avant de faire une retraite dans le but d’apprendre comment s’oublier soi-même. Faute de quoi, cela réduira considérablement les effets d’une telle retraite ou même amplifiera les déséquilibres de la psyché dans les pires cas.
Pour la phase de sortie, c’est encore plus important. Revenir aux sensations, sentiments et émotions fournis par la société et encore plus dans le monde matérialiste moderne qui a tant à offrir, devrait être fait très graduellement. Faute de quoi, la tentation de baigner dans la sensualité, dans toutes les sensations que le corps peut offrir, sera trop forte. Et pour beaucoup de monde, cela peut-être perçu comme rétablir l’équilibre, ce qui est vrai, c’est rétablir l’équilibre de ses vieilles habitudes, reprendre la graisse que l'on a perdu parce que votre corps s'est habitué à avoir tel poids. Cependant, pour vraiment récolter les fruits de la retraite, il faut essayer de trouver un nouvel équilibre, moins de sensations, de sentiments et d’émotions, exactement comme prendre de plus saines habitudes alimentaires après un régime.

Évidemment, dans le monde des loisirs, les retraites sont juste un produit de consommation avec le bien-être comme principal argument de vente, fait pour être consommé rapidement afin de permettre les excès ultérieurs. Pratiquement l’inverse de l’objectif original de tels exercices. De plus, les gens ont totalement oublié que ces pratiques liées à l’oubli de soi sont, par essence, pas fantastiques pour la santé mentale (neuf sur dix devenant fous quand l’entraînement est intense) et qu'il vaut mieux concentrer son énergie sur d’autres exercices en apprenant à contrôler ses émotions, sous la supervision d’une personne de confiance et toujours en gardant un point de vue humble.




Confiance, Humilité et Contrôle

En tant que notion plus large, l’ego traite aussi de la confiance entre le professeur et l’élève, l’humilité dans son entraînement et le contrôle de ses émotions. Expliquons brièvement quelques-unes des raisons derrière ces conditions.

Confiance
De nos jours, dans le loisir, la confiance n’est plus une question aussi importante qu’elle ne l’était, non seulement parce que les gens n’utilisent plus les anciens arts martiaux pour tuer, mais aussi parce qu’ils peuvent difficilement attendre le niveau où un cercle trop vertueux pouvait presque devenir instantanément un cercle vicieux (la théorie des extrêmes, 物極必反). Jadis, la confiance était essentielle, et pas seulement parce que, évidemment, un maître n’aurait pas voulu enseigner à quelqu’un qui pouvait devenir un ennemi. Il fallait avoir confiance depuis le début bien sûr, mais c’était encore plus important lors du moment clé où l’élève commençait à être capable de devenir indépendant, non loin de dépasser le niveau de son maître mais pas tout à fait. Ce moment crucial, s’il n’était pas correctement traité, pouvait tout simplement effacer tous les efforts, sacrifices et tout le dur labeur réalisés avant. L’enseignant était un guide, comme un guide de montagne ou un chef de plongée, et plus vous alliez vers les hauteurs ou dans les profondeurs, plus il était indispensable. Le problème est évident, les hauteurs et les profondeurs sont la plupart du temps pour des personnes ayant une certaine expérience. Cependant, cette expérience peut devenir leur chute s’ils pensent qu’ils connaissent suffisamment la montagne ou les profondeurs de la mer, sans suivre les conseils de quelqu’un qui est définitivement plus au courant qu’eux des spécificités du terrain. C’est de là que vient le paradoxe : plus vous étiez proche de dépasser votre enseignant, plus vous aviez besoin de suivre strictement ses conseils, la confiance était la pierre angulaire du succès. D’où tout ce qui semble de nos jours comme des jeux pour tester le lien de confiance entre le professeur et les élèves tout au long de la pratique. Un jour, un professeur met sur le sol une planche cloutée et demande à ses étudiants de sauter dessus…

Humilité
En se référant aux hautes montagnes ou aux profondeurs de la mer, il est évident que les personnes expérimentées qui ne suivent pas les conseils d'un guide manquent simplement de l'humilité qu'elles devraient avoir envers, non leur guide, mais la mer ou la montagne. C'était la même chose pour les artistes martiaux autrefois, ils devaient toujours rester vigilants dès que les lois de la nature étaient concernées, spécialement en atteignant les plus hauts niveaux, et devaient prendre tout bon conseil qu'ils pouvaient trouver quel que soit le niveau de la personne le donnant.
L'humilité avait une autre fonction, celle décrite dans la citation du début, elle conservait la passion vivante. Comme tout dans la vie, la progression d'un élève était faite de hauts et de bas et le risque était, qu'atteignant un certain niveau, il pouvait considérer qu'il "était arrivé". Empli de lui-même, il ne pouvait que se vider... Comme pour un cercle, tout point étant un début et une fin, les artistes martiaux utilisaient l'humilité, pas la fausse modestie, pour être plus du côté du commencement que vers la fin. Après avoir atteint un certain niveau, un artiste martial pouvait méditer sur ses progrès, se réjouir des résultats, mais ensuite, se tourner avec plaisir vers un pic plus élevé à atteindre, ne pas se sentir frustré de devoir d'abord passer par une descente naturelle, enthousiaste de l'ascension vers de plus au sommets qui l'attendait. De cette façon, son corps vieillissait, mais son cœur restait toujours jeune.

Contrôle des Émotions
Vouloir s'oublier soi-même avant de savoir comment contrôler ses émotions est vraiment mettre la charrue avant les bœufs. Contrôler ses émotions, dans les anciennes pratiques, passait par le nettoyage et le rééquilibrage des organes, et des techniques de respiration autour du terme 息 [xī], ce qui, en dehors du souffle, signifie aussi se reposer, s'arrêter... Celles-ci étant une part très importante de l'entraînement interne, elles seront développées plus en détails dans un article ultérieur.




Travailler sur son ego, comme beaucoup de choses dans les pratiques anciennes, était d'abord une question de méthode, quoi, quand, comment le faire, pourquoi et où étaient les dangers et les périls et comment les éviter.


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