jeudi 12 septembre 2019

Cycles, Polyvalence


一层功,一层理
Un niveau de compétences, un niveau de principes




Les enseignements des anciennes méthodes sont souvent comparés à une spirale, répétant sans cesse une formation identique, mais à des niveaux différents, d’où la citation. Afin de démontrer cette méthode, le présent blog a atteint le moment où il faut recommencer à zéro, revoir certaines des bases des pratiques internes avec une compréhension plus profonde.

Ceci est un avantage qu’un blog a sur un livre, écrire encore et encore sur le même sujet, mais de différentes manières, permettant à l’auteur de suivre un vieux précepte pédagogique qui consiste à ne jamais aller au fond, mais à donner différentes versions, laissant le lecteur dans ce cas (normalement l’auditeur dans la tradition orale1) trouver la bonne réponse. Autrefois, une telle réponse devait être adaptée au niveau de l’étudiant au moment où elle était dite, le moment opportun étant un outil essentiel qu’un blog ne peut malheureusement pas offrir. Démarrer un nouveau cycle, le début d’un cercle sans fin, doit commencer par essayer d’approfondir la compréhension de la méthode qu’observaient les arts internes, l’oxymore contenu dans les deux propositions précédentes en étant un exemple.
Les arts internes se concentraient sur les changements, une autre version de la série sur les capacités tourne autour du fameux 易, le changement. La théorie des pratiques internes était très polyvalente parce qu’elle ne visait pas à trouver des vérités éternelles, mais juste la réalité d’un instant, un concept en fait assez proche de la survie, car la justesse de ce que vous avez fait n’a pas d’importance, seulement le résultat, être encore vivant. Le deuxième élément clé des pratiques internes, et probablement le plus abandonné, est que la formation change radicalement en suivant la profonde transformation du corps. Enfin, il est essentiel de comprendre que, dans les arts martiaux, la théorie étant naturellement « un ensemble de principes sur lesquels repose la pratique d’une activité » 2, elle n’a de valeur que si l’on peut y attacher un ensemble d’exercices, de transformations corporelles, d’implications dans l’affrontement (même si traditionnellement le combat est considéré comme le règne du chaos, aucune théorie, sauf celle d’atteindre un vide mental ne devrait être suivie)3. Afin d’éviter un billet trop long, le présent article traitera de la première question.
Les arts internes sont très versatiles et ne suivent jamais aveuglément un principe établi pour toujours parce qu’ils étudient le changement, donc le chaos. Pourtant, dans le chaos, il peut y avoir un schéma4. Pour donner la marge de manœuvre nécessaire, les paradoxes en forme de dictons à plusieurs sens possibles, comme déjà mentionné dans ce blog, sont utilisés. Une autre méthode consiste à créer des non-vérités en opposant la théorie et le résultat ou en prenant un énoncé et en expliquant pourquoi il est correct, mais pour, ensuite, dire pourquoi il est aussi tout à fait incorrect.




I. Oxymore et Multiniveaux

Les déclarations contradictoires et les dictons avec plus d’un niveau de compréhension sont le lot commun de l’étude des anciennes pratiques. La première et la plus importante raison était déjà décrite dans Méthode, la découverte par soi-même. Par conséquent, résoudre un paradoxe ou être capable de déchiffrer les différentes significations et pistes d’entraînement découlant d'un même dicton était une façon de promouvoir une telle découverte. Traditionnellement, lorsqu’un élève avait une question, il devait y répondre par lui-même à l’aide de ces outils. Il demandait alors à son maître s’il suivait le bon chemin. C’est malheureux, mais seul l’enseignement oral peut vraiment tirer les bénéfices d’une telle méthode, le moment opportun, se concentrer sur une compréhension particulière pour s’adapter au niveau de l’étudiant à un moment donné étant crucial.
L’oxymore le plus connu dans les arts internes, certainement l’une des pierres angulaires de l’entraînement est « sans force est la meilleure force » ou « sans force, mais avec force ». Un tel paradoxe est en fait aussi un entraînement à plusieurs niveaux où l’étudiant trouvera différentes interprétations au fur et à mesure qu’il progresse. Décrire certaines d’entre-elles contredit le but de l’autodécouverte, mais la compréhension est toujours meilleure avec des exemples. « Sans force est la meilleure force »  peut avoir les significations suivantes au fil du temps et plus la compréhension s’approfondit :
Qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser et de contracter tous les muscles.
Que l’on peut trouver de la puissance dans la relaxation.
Que les tendons et les fascias peuvent fournir un type de force en dehors des muscles.
Qu’il y a un moyen d’avoir des muscles lâches tout en tendant les fascias, créant ainsi une force élastique.
Que la puissance, parfois, ne semble pas non plus venir de notre corps visible et physique, mais de notre santé, être en forme ou non.
Que, par conséquent, la vitalité a aussi un rôle dans la puissance.
Que la santé et la vitalité sont liées à notre âge et à notre mode de vie.
Que la santé de nos organes joue un rôle crucial dans notre vitalité.
Et ainsi de suite....
Pour arriver à une telle compréhension, un enseignant argumenterai, au moment opportun, en utilisant d’autres dictons pour diriger l’élève vers l’étape suivante.

En plus de donner des directions, l’enseignant disposait également d’outils pour déterminer le niveau de compréhension de l'élève.




II. Non-vérités

La parabole d’un fermier qui a perdu son cheval est sans doute la non-vérité la plus connue. Fondamentalement, l’histoire se poursuit et à chaque fois que quelque chose de mauvais arrive, cela produit un bon résultat (le cheval revient avec un compagnon) et l’inverse (son fils se casse la jambe en essayant de dompter le nouveau cheval). Les arts internes utilisent cette astuce pour que l’élève cherche encore plus loin. De ce fait, l’enseignant pouvait ainsi dire à l’un de ses élèves : « Oui, vous êtes aligné, mais vous avez perdu votre connexion », ou tout le contraire : « Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas aligné que vous n’êtes pas connecté » (de prochains billets donneront la réponse à de telles énigmes). Bien sûr, l’accent mis sur le moment opportun demeure de la plus haute importance, dit trop tôt dans sa formation, une non-vérité conduirait à mal orienter l’élève. Ainsi, il reste, en fait, tout à fait impossible de s’écarter de la méthode orale d’enseignement dans les anciennes pratiques, même la vidéo ne peut la remplacer.
Le deuxième type de non-vérités consiste à faire une déclaration et à demander à l’élève de dire pourquoi celle-ci est correcte, mais aussi pourquoi elle est fausse. Ceci va plus loin et permet d’évaluer jusqu’où l’étudiant est arrivé dans sa compréhension, c’est-à-dire combien de fois il peut considérer l’énoncé comme erroné ou correct, mais avec, bien sûr, une application pratique, il ne s’agit pas seulement de concept philosophique. Comme l’exemple typique est beaucoup trop provocateur pour un blog public, l’auteur en a un propre, beaucoup moins intéressant malheureusement. La phrase est, pour continuer à introduire un thème qui sera développé dans d’autres billets : « Pour être connecté, il faut être aligné ». Être capable de dire de quelle manière un tel énoncé est, ou n’est pas, correct, est un bon exercice pour voir où l’on se trouve dans sa formation en ce qui concerne les questions d’alignement et de connexion.




Si la théorie et ses principes étaient très polyvalents, cela ne signifiait pas que quoi que ce soit, à tout moment, pouvait être envisagé. En dehors de la question déjà mentionnée du moment opportun, il fallait suivre strictement les transformations de son corps. Le changement, en effet, suivait un certain schéma4, schéma que l’étudiant devait finalement comprendre pour devenir indépendant, son propre maître.



1 Il peut être important pour le lecteur de comprendre que, sauf indication contraire, la plupart des dictons de ce blog proviennent de la tradition orale. Si certains, au fil du temps, sont devenus si connus qu’ils peuvent difficilement être modifiés de nos jours, la plupart de ceux-ci, en raison de leur oralité, ont, bien sûr, beaucoup évolué dans le temps et l’espace. En effet, dans un pays en proie à l’illettrisme et avec de si nombreux dialectes si différents, il semble évident que d’une génération ou d’une langue à l’autre, les mêmes principes peuvent avoir été expliqués de plusieurs manières, sans parler du niveau du maître et du disciple. Ainsi, dans une tradition orale, on ne peut réfléchir qu’en fonction de ce que le temps présent nous a apporté.
2 Outre les innombrables faux-amis que connaissent le français et l’anglais, il arrive, apparemment aussi, qu’une définition en anglais d’un terme, qui pourrait être tout à fait acceptable en français, ne se retrouve pas officiellement dans les dictionnaires. Tel est le cas du mot théorie, la définition donnée se retrouvant dans ceux anglais, comme Oxford Dictionaries, et est particulièrement adapté au sujet traité, l’entraînement aux arts martiaux. Malheureusement, cette définition ne se retrouve pas dans les dictionnaires français. Vu son opportunité, lorsque l’auteur mentionne la théorie dans ce blog, il fait bien sûr référence à une telle définition.
3 Quelque chose qui ressemble beaucoup à la distinction entre les sciences appliquées et les sciences fondamentales.
4 Pour exprimer l’idée de schéma, le caractère 理 aurait pu être utilisé, son sens originel étant de décrire les veines d’un jade, que l’on suivait pour le disséquer. Comme il sera expliqué dans d’autres articles, ce sens particulier est très utile lors des entraînements aux postures.

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