dimanche 24 juillet 2016

Respirer, Complexe et Changeant

睡則氣以耳出,名龜息,必大龜壽*
Les vapeurs sortent des oreilles quand on se repose les yeux clos, ce qui est appelé la respiration de la tortue, une durée de vie de grande tortue certaine.

人能依嬰儿在母腹中,自服内气,握固守一,是名胎息**
S’il est possible de faire comme un bébé dans le ventre de sa mère, prendre soi-même les vapeurs internes, tenant et protégeant fermement son unicité, voilà ce qui est appelé la respiration fœtale.

鼻息無聲神氣守***
Respirant sans bruit par le nez, gardant les vapeurs et l’esprit.




La respiration est une des choses les plus importantes dans la vie, et par conséquent le cœur des pratiques internes. Quoiqu’il/elle faisait, un internaliste vérifiait en permanence l’impact sur sa respiration et son rythme cardiaque.
Étant un enjeu primordial, c’était aussi une question complexe qui ne concernait pas seulement les poumons, mais aussi le rythme cardiaque, la peau, les fascias et les organes. Par conséquent, il y avait une multitude de techniques de respiration avec des objectifs variés, et les décrire toutes en détail en un seul billet serait quasiment impossible. Ci-dessous, quelques exemples comme pistes de recherche.




Poumons

La respiration normale par les poumons, mis à part sa fonction physiologique évidente, avait deux buts dans les pratiques internes, une aide à la relaxation et la façon ultime de vérifier qu’on était relaxé, utilisant plus les fascias, sans contraction, et la vitalité que la puissance musculaire.
Comme décrit dans les précédents billets, expirer lentement était une façon d’apprendre à se relaxer. Cette première technique maîtrisée, inspirer tout en se relaxant aidait l’élève à comprendre encore plus le processus de relaxation.
Une respiration calme était la façon ultime pour un internaliste de juger si il/elle était dans la bonne direction. Haleter, même légèrement, était un signe que l’on était sous stress, utilisant la contraction musculaire au lieu de l’élasticité des fascias par exemple. Pour les pratiques internes, le stress et/ou les contractions musculaires poussent le cœur à accélérer ou à ralentir d’une façon non progressive, erratique. C’est un peu comme appuyer sur la pédale d’accélération doucement ou juste jouer avec en appuyant dessus et en la relâchant. A cause des contractions soudaines suivies de relâchement, les battements du cœur, d'une façon ou d'une autre, accélèrent puis décélèrent de façon abrupte. Puisque la respiration suit le cœur, on commence alors à haleter. En utilisant l’élasticité des fascias, le corps doit seulement s’étendre et se rétracter, en gardant toujours une tension élastique, sans jamais se contracter ou se relâcher. Le battement du cœur peut dès lors accélérer, mais pas de façon erratique, et la respiration sera gardée sous contrôle, et jamais, même légèrement, haletante. Ce qui fait qu'à l’origine, les caractères 息 pour la respiration et 喘, pour haleter, étaient opposés.




Peau 

La respiration cutanée est insignifiante pour les humains, peut-être 2% au maximum, mais elle existe tout de même, et les arts internes ont pour but d’améliorer toute capacité que le corps possède ou peut posséder. Une fois comprise la question de la relaxation par un souffle régulier, il est possible d’améliorer sa respiration cutanée. La relaxation est très importante parce que, afin de commencer à comprendre la respiration cutanée, il fallait passer au travers d’un processus stressant impliquant la méthode classique de mettre le corps dans des directions opposées. Pour comprendre la technique, il fallait savoir que la part supérieure de 炁 (une variante du caractère 气, les vapeurs), 旡, signifie s’étouffer avec ce qu’on a mangé. Pour améliorer la respiration cutanée, il fallait inspirer comme si quelque chose bloquait l’air dans la gorge et expirer de la même façon. En évitant à l’air d’aller dans les poumons tout en maintenant par ailleurs le mouvement respiratoire, le corps devait naturellement essayer de respirer au travers de la peau.
 Cette technique est difficile parce que non seulement éviter à l’air d’aller dans les poumons est un processus qui stresse automatiquement le corps, mais aussi parce qu’elle ne peut être réussie que si on maîtrise au moins la compétence "mobiliser les organes" (voir Un Cœur Brumeux). Sinon, on arrêtera simplement de respirer et on passera à l’apnée, ce qui est l’opposé de ce qui est recherché. Fait correctement, il fallait essayer d’améliorer la respiration au travers des pores de la peau, d’où l’utilisation du terme 納 pour le processus d’inspiration, parce qu’à la base il signifie quelque chose comme humide, un tissu humidifié. L’idée est, en fait, de remplir le corps avec de l’air tout comme on peut imprégner une pièce de tissu avec de l’eau pour l’humidifier.





Comme on l’a vu plus haut, 息, respiration et 喘, haleter sont habituellement opposés.
息 est fait de 自 et 心, 自 signifiant à l’origine nez, et 心 pour cœur. 喘 signifie en gros respirer vite ou d’une façon maladive, et 息 calmement, le caractère ayant évolué naturellement vers la signification supplémentaire de repos.
En utilisant les expressions 心平氣和, "le cœur est calme et les vapeurs harmonisées", et 鼻醒氣, "le nez éveille les vapeurs", on revient au fait que la respiration interne est un paradoxe, c'est à la fois calmer et mobiliser, puisque la respiration concerne le cœur et le nez.




La Tortue et le Nombril

Dans les techniques de respiration, la tortue est souvent mentionnée, et ce n’est pas pour sa durée de vie relativement longue, mais parce qu’elle n’a pas de diaphragme et qu’elle doit utiliser tout son corps pour soutenir son processus de respiration. Les techniques de respiration de la tortue peuvent, par conséquent, se référer à la respiration cutanée qui doit elle aussi mettre en œuvre l’ensemble du corps pour permettre aux pores de la peau de respirer, mais aussi au souffle interne où la condensation et l’augmentation de la température concernent tous les organes et les lignes de fascias, et pas seulement les poumons. D’où les techniques de respiration appelées 吞吐, ingurgiter et régurgiter, ce qui dans ce cas se réfère au processus d’avaler et de vomir dans le corps et non pas d’inspirer et d’expirer.
La respiration du nombril, appelée aussi la respiration fœtale, était une autre façon de trouver comment utiliser les organes pour la respiration interne, en reproduisant le processus d’inspiration et d’expiration par le nombril. Fait d’une certaine façon, c’était aussi un moyen d’aller vers l’estomac plat et le lien vers ce qui est souvent appelé la respiration des reins****.




Changements

Les anciennes pratiques concernaient essentiellement la transformation du corps pour l’acquisition de nouvelles compétences (Transformer le Corps en Premier) et ces nouvelles compétences signifiaient de nouveaux principes (Méthode). La respiration étant le cœur des pratiques internes, elle évoluait aussi selon les compétences, ce qui impliquait de nombreuses façons de respirer, parfois des techniques opposées, dans leurs principes. C’était, bien sûr, comme décrit dans 鍊, tremper (le métal) et tempérer, dans Entraîner, Raffiner, Tempérer, une question de quand faire quoi. Ou, comme dit le dicton, 练功要掌握火候, "pour entraîner les compétences il faut maîtriser le moment crucial".
En effet, on peut faire face à différents types de techniques, depuis celles où l’on pousse l’air dans le ventre tout en expirant à l’opposé, depuis la respiration dans le ventre, les reins, le milieu du dos ou le haut du dos, en bougeant le diaphragme ou en le gardant verrouillé…
Comme cela a été décrit dans le précédent billet, accumuler et compresser les vapeurs ne requiert pas le même mouvement, une fois qu’une technique est obtenue, il faut aller vers la pratique qui suit. Comme pour toute chose en ce monde, ne pas évoluer mène la plupart du temps à la régression, ce qui est accéléré par le processus de vieillissement. De plus, dans les techniques de respiration on peut trouver la différence entre les techniques d'abreuvage, où l'on commence par inspirer et remplir (les poumons, l’estomac)… et les techniques de vidage, où l'on commence par expirer et vider, suivant une autre interprétation étendue de 旡 dans 炁 (un caractère plus tardif pour 气, vapeurs). En effet, certains considèrent que 旡 se réfère en réalité à 无, le néant, la non-existence. Selon le principe "du néant naît l’existence… "***** on essayait de vider autant que possible son corps en expirant dans un rythme lent et stable. Alors, naturellement, le corps inspirerait par réflexe. En d’autres mots, dans ces techniques, le processus de respiration se concentrait sur l’expiration, l’inspiration étant juste un réflexe, presque à l’opposé de la façon dont la plupart des gens respirent, mais en réalité de la façon dont les Chinois décrivent normalement le processus de respiration, 呼吸, expirer/inspirer. Mais sans le Champ de Cinabre, 丹田, de telles techniques où l'on se vidait n’étaient pas efficaces et, comme cela a été développé brièvement dans Condensation et La Ceinture, les Champs de Cinabre étaient créés par la respiration par abreuvage), un cycle complet et la seconde part de l’expression "… l’existence retourne au néant."*****




Évidemment, pratiqué comme un loisir, on ne devrait pas aller plus loin qu’essayer de respirer naturellement et de ne pas haleter. Cependant, il reste intéressant de savoir que la respiration était un vaste champ d’étude autrefois.




*Enregistrement du Champ de Sésame, 芝田錄
**Les Sept Lattes de Bambou de la Boite à Livre Nuageuse 雲笈七籤
***Chanson de la Boxe du taoïste d’Emei 峨嵋道人拳歌
****D’où le lien entre le nombril et 命門,, le point d’acupuncture situé entre les reins et le dos
*****無中生有,有還歸無



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