dimanche 19 novembre 2023

Cycles, Application Éveillée


拳理需靜悟,拳技要勤修
Les principes de la boxe doivent s’éveiller dans la quiétude, les compétences de la boxe doivent être cultivées avec diligence.

功到取成
Être apte à acquérir quand la compétence est là.




Même pour les locuteurs chinois, le langage des arts martiaux semble obscur, voire totalement incompréhensible. Dans la mesure où il s’agit d’un enseignement oral mettant l’accent sur la découverte par soi-même, il paraît tout à fait opportun de disposer d’un tel outil, mais il présente, bien sûr et comme toute chose, de nombreux inconvénients. En effet, avant même de se perdre dans la traduction, les gens finissent souvent par s’égarer en utilisant des termes ayant plus d’un sens, n’appliquant pas la lecture adéquate au type d’entraînement visé.
Outre la confusion naturelle qui existe en général entre la théorie des arts martiaux et la pure philosophie, la volonté de trouver des significations plus profondes pousse également les étudiants vers des voies qu’ils peuvent comprendre intellectuellement, mais qu’ils sont incapables de réaliser physiquement. C’est ainsi qu’un vieux dicton préconise qu’un élève ne doit être ni stupide, ni trop intelligent et que, s’il n’y a que ces deux types disponibles, il faut préférer le bête à l’intelligent. Il est tout d’abord important de comprendre que la théorie n’est pas une règle qu’il faut apprendre par cœur ou saisir, mais à laquelle il faut s’éveiller. Il est ensuite essentiel de réaliser que lorsqu’on utilise la théorie, « ensemble de principes sur lesquels se fonde la pratique d’une activité », ses principes ne peuvent être justifiés que s’ils ont un impact réel sur l’entraînement pour le moins.




I. Académique ou Éveillé

En lisant ce blog, on peut être submergé par tout le charabia conceptuel qu’il utilise. Tout d’abord, il doit être considéré comme un simple outil écrit et ne peut malheureusement rien apporter de plus. Ensuite, et surtout si l’on attache trop d’importance aux théories développées, on passe à côté de l’essentiel. En effet, comme il est mentionné dans « À propos », le but est d’expliquer une approche, une méthode en fait, et certainement pas de donner des règles et des principes à suivre à la lettre.
L’étude de la théorie des arts martiaux devrait en réalité être principalement une découverte personnelle, mais de manière très systématique et constante.

1.1 Découverte
L’entraînement est une découverte intime, il ne s’agit pas de répéter inlassablement les mêmes mouvements ou utiliser des principes identiques jusqu’à saturation, mais de s’en servir pour s’éveiller vers des nouveaux. Certes, au début, il faut apprendre quelques mouvements et principes pour savoir où aller, mais ensuite il s’agit de grandir par soi-même, l’enseignant n’étant qu’un tuteur qui s’assure que la progression se fait dans le bon sens. En tant que tel, il/elle reste de la plus haute importance, devant être présent(e) 24/7 jusqu’à ce que l’étudiant(e) puisse grandir dans la bonne direction tout seul. Bien sûr, l’entraînement moderne comme loisir change les règles, les étudiants étant incapables de passer suffisamment de temps à s’entraîner, ou avec leurs professeurs, l’éveil aux principes de base et la profonde transformation corporelle prenant des années au lieu de quelques mois dans le meilleur des cas. Mais ce blog a pour but de dépeindre les anciennes méthodes, même si elles sont devenues totalement obsolètes. C’est pourquoi la première citation utilise le caractère 悟 (s’éveiller à, appréhender, percevoir, devenir conscient), un terme souvent utilisé dans les arts martiaux et dans d’autres disciplines pour décrire un processus spécial de réflexion et d’action. Cela va bien au-delà de la simple connaissance, de la compréhension ou même de la maîtrise.

1.2 Systématique et Constant
L’étude de la théorie des arts martiaux est un processus serein, régulier et méthodique. Il faut partir d’une compréhension très élémentaire pour évoluer vers des connaissances de plus en plus approfondies, en utilisant souvent le même caractère ou dicton comme outil (voir Cycle, Évolution). C’est pourquoi 气, traduit jusqu’à présent la plupart du temps dans ce blog par vapeurs, représente une compréhension de base nécessaire lorsque l’on commence à réfléchir à l’implication de la vitalité dans la force. Il pourra, comme d’autres caractères et dictons, être traduit autrement dans d’autres billets pour mettre l’accent sur d’autres aspects d’une telle notion. Parce qu’il s’agit de découverte, le pas-à-pas est la pierre angulaire de l’étude, on ne peut pas sauter des étapes comme c’est souvent le cas aujourd’hui, il faut posséder pleinement une compréhension avant de passer à une autre plus profonde.

Le deuxième point décisif de la théorie dans les arts martiaux est, bien entendu, qu’elle doit s’accompagner d’une application, elle ne peut rester une simple compréhension intellectuelle (d’où, encore une fois, l’idée d’éveil).




II. Théorie Pure ou Appliquée

Parce que la théorie des arts martiaux peut être assez profonde et obscure pour ceux qui n’ont pas atteint un certain niveau de compréhension ou de transformation corporelle, l’intellectualisation est sans doute un piège dans lequel nous tombons tous si facilement. Par conséquent, la première citation est une façon de rappeler à l’étudiant qu’il y a deux aspects dans son entraînement, l’un théorique et l’autre pratique, les deux devant être pris en compte simultanément. De plus, dans les arts internes, l’éveil aux principes va de pair avec la transformation du corps, d’où la deuxième citation. Il apparaît donc nécessaire de toujours accompagner un principe d’une application pratique dans l’entraînement. Trop souvent, les martistes tombent dans les deux écueils traditionnels que sont la recherche d’une définition passe-partout et l’absence de contextualisation.

2.1 Définition Passe-Partout
Nous avons tous tendance à essayer de trouver une définition unique pour des termes ou des dictons qui, à la base, sont censés avoir plusieurs niveaux de compréhension. Malheureusement, le fait de jouer pour le moins sur la polysémie rend cela peu possible. Il existe un grand nombre de termes et d’expressions obscures qui ne peuvent pas se limiter à une seule définition, le tristement célèbre  étant un des exemples les plus typiques. Par conséquent, avoir une définition exclusive de toutes les autres est souvent un piège dans lequel beaucoup de gens tombent, encore plus lorsque cette définition ne correspond pas à un type d’exercice spécifique. Même 沉肩墜肘 « enfoncer les épaules, faire tomber les coudes » connaît en fait plus d’une traduction possible : « des épaules lourdes, des coudes alourdis » pour un autre genre d’entraînement, ce qui fait de la contextualisation un élément très important de l’apprentissage.

2.2 Contextualisation
Le langage des arts martiaux accorde une attention particulière au contexte d’entraînement dans lequel un dicton ou un terme est employé. L’absence de contextualisation d’un dicton ou d’un terme est une autre lacune souvent constatée. En effet, en matière de traduction, certains ont pris l’habitude de ne pas traduire certains termes parce qu’ils recouvrent plus d’un sens ou qu’ils fonctionnent comme une métaphore. Si cela est certainement possible dans d’autres disciplines, en ce qui concerne les arts martiaux, il s’agit d’une erreur flagrante. Ainsi, à chaque entraînement correspond en réalité une certaine signification. En ce sens, 气 sera traduit par vapeurs dans 不通氣則喉出,通則頭出 « Obstruées, les vapeurs sortent de la gorge ; non obstruées, elles sortent de la tête », car il correspond à un type d’entraînement destiné à améliorer leur circulation des vapeurs et, qu’en effet, à un certain stade de l’entraînement, le pratiquant peut observer de la vapeur qui sort de la trachée, puis du front, puis du haut de la tête, là où se retrouvent les os frontal et pariétal1.  En revanche, dans 以氣為主,以力當先, 气 serait mieux traduit par vitalité ou même « se sentir plein d’énergie » lorsqu’il s’agit d’un entraînement particulier destiné à faire trembler tout le corps. Ainsi, « Se sentir plein d’énergie pour diriger, la force doit venir en premier »2 souligne que l’entraînement à trembler se base sur la vitalité, une certaine façon de mobiliser pleinement les organes, mais il doit être fait avec un corps complètement tendu, certainement pas relâché, ce qui serait pourrait amener des blessures.
Un autre exemple est 沉肩墜肘 cité plus haut, qui correspond au résultat d’une relaxation correcte et d’une transformation du corps dans « épaules enfoncées, coudes tombants », un processus passif, alors qu’il est actif dans sa signification de « épaules pesantes, coudes lourds » et correspond à ce que l’on appelle l’entraînement au bambou, lorsque l’on est finalement capable de verrouiller son corps.




Devenus un produit de loisir, les arts internes se basent aujourd’hui davantage sur des règles à apprendre et à suivre à la lettre. L’entraînement et la théorie sont de plus en plus standardisés, parfois même au nom d’une vague tradition, mettant de côté le fait que les anciens arts étaient axés sur la personnalisation et le changement.




1. On se souviendra que 气, qui signifie vapeur, décrit un processus d’interaction entre des liquides et de la chaleur. Les vapeurs qui sortent de la gorge ou de la tête se réfèrent en réalité à des vapeurs externes, non à des vapeurs internes. Pour simplifier, les vapeurs qui sortent du corps sont une réaction à la chaleur nécessaire pour créer d’autres vapeurs à l’intérieur du corps. Ce type d’entraînement utilise en fait quelque chose de très similaire au processus de transpiration gustative en réchauffant le corps et en augmentant le métabolisme, mais sans avaler de nourriture et en mobilisant tous les organes. Comme il a été mentionné plus haut dans ce blog, certaines techniques respiratoires incluent l’imitation de la prise de nourriture, une autre façon, en dehors des techniques du voleur qui épie, d’apprendre à mobiliser ses organes.
2. À rapprocher d’une ancienne interprétation : « Les vapeurs dirigent, la force doit primer ».

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