拳怕少壯, 棍怕老郎
Le poing craint le jeune et vigoureux, le bâton le vieux monsieur
身體力行
Un corps agit en fonction de sa force physique1.
讀萬卷書不如行萬里路
Il vaut mieux marcher des milliers de kilomètres que lire des milliers de livres2.
Un vieux dicton martial affirme que l’expérience représente la moitié, sinon plus, de la valeur d’un guerrier.
Le
vigoureux jeune et le vieux monsieur soulignent également les deux
principales qualités qu’un artiste martial doit rechercher, un corps
fort, vigoureux et toujours jeune et de l’expérience. À une époque où
les gens cherchent davantage à acquérir des compétences et manquent
fortement d’expérience (de nombreux combats avec les armes blanches
d’autrefois), ce dicton peut être un autre exemple de la façon dont les
anciens arts martiaux ont changé depuis qu’ils sont devenus une pratique
pour les civils.
Parce
que nos sociétés sont devenues plus civilisées, pour le meilleur, et
que l’armement moderne est beaucoup plus avancé, pour le pire, les
anciennes pratiques martiales provenant d’époques sans armes à feu ne
peuvent plus remplir leur principal objectif. C’est pourquoi, au cours
des deux derniers siècles, elles ont progressivement investi la sphère
civile, offrant un peu de tout, de l’autodéfense à l’illumination. Ce
faisant, et du fait du manque d’expérience régulière, elles ont
définitivement évolué loin leur but principal, quoi que puissent vendre
des pratiquants un peu rêveurs. En fait, ceci n’est pas quelque chose
d’inédit, car il peut-être courant que les exigences martiales se
heurtent à une vie sociale et plus civile. On peut en trouver un exemple
dans la façon assez peu pratique dont les épées étaient parfois portées
à la taille sous les dynasties Han, Jin et plus anciennes, la poignée
pointant vers le sol et fermement attachée pour éviter que la lame ne
sorte du fourreau, ce qui la rendait très difficile à dégainer.
Le
fait de devoir s’asseoir sur les genoux avec des épées qui devenaient
de plus en plus longues, l’étiquette qui imposait de ne pas pouvoir
dégainer facilement son épée lors de certaines interactions sociales et
peut-être aussi simplement une mode pour les nobles qui portaient des
épées davantage pour montrer leur statut qu’en tant que véritables
escrimeurs3,
sont quelques-unes des raisons possibles. Néanmoins, cette pratique
allait totalement à l’encontre de la nécessité d’avoir son arme prête et
facile à dégainer pour les artistes martiaux. Cela pourrait même être
la raison pour laquelle le roi Zheng4 a presque été tué par l’assassin Jin Ke, ne pouvant dégainer immédiatement son épée.
Si,
même à une époque où les épées étaient réellement utilisées, le fait
d’interagir dans le monde civil pouvait contraindre les pratiquants
d’arts martiaux à adopter ce genre d’habitude dangereuse, on comprend
aisément comment une conversion complète à la sphère civile peut changer
les pratiques, surtout lorsque l’on n’a plus la possibilité d’acquérir
régulièrement une expérience réelle.
Les
objectifs de l’entraînement régulier ont également évolué en fonction
de ce qu’une école vend, de la compétition à l’autodéfense en passant
par l’éveil, les besoins sont différents, tout comme les exigences
physiques. Dans la sphère civile, être fort et vigoureux, ralentir le
processus de vieillissement, peut ne pas sembler opportun, ou tout
simplement ne pas correspondre à ce que les gens recherchent en tant que
loisir. Il peut néanmoins être intéressant de noter que ce dicton ne
met pas l’accent sur les compétences, mais seulement sur la vigueur, la
jeunesse et la résistance physique. La logique est en fait assez simple,
il faut d’abord améliorer le corps et la santé, puis l’esprit, car,
plus forts, ils permettent naturellement à quelqu’un de faire plus5.
Si les compétiteurs d’arts martiaux sont en accord avec ce dicton, les
professeurs au gros ventre et facilement essoufflés, venant d’une
mauvaise compréhension du concept de non-force et des techniques de
respiration, sont loin de cette exigence. Autrefois, un artiste martial
devait pouvoir porter beaucoup de poids sur lui, monter à cheval ou
marcher pendant des heures, rester debout ou allongé longtemps, sinon
imperméable, du moins très résistant aux intempéries… autant de qualités
qu’un corps d’athlète pouvait fournir. Et si les pratiques internes
avaient une idée légèrement différente de ce qu’était une personne
athlétique, il fallait tout de même que l’entraînement mène aux
capacités mentionnées ci-dessus.
Un
corps fort pour pouvoir manipuler facilement une arme et de
l’expérience pour comprendre les dangers auxquels on est confronté
lorsqu’on se bat avec elle. De prochains billets tenteront de développer
plus en détail ces qualités.
1 « Pratiquez ce que vous prêchez » est le sens commun de ce proverbe.
2 Il s’agit, en fait, de l’un des rares dictons chinois où les livres ne sont pas vénérés, car il souligne la nécessité d’acquérir une expérience réelle. Bien entendu, la culture chinoise a tendance à accorder généralement beaucoup de valeur au livre, avec des dictons comme 書是隨時攜帶的花園, un livre est un jardin à portée de main, ou 好書如摯友, un bon livre est comme un ami cher…
3 Certaines lames d’épée étaient même parfois en bois, n’étant portées que pour les apparences.
4 Qui devint plus tard le célèbre Qin Shi Huang, fondateur de la dynastie Qin.
5 A mettre en perspective avec l’adage 功到取成, Quérir quand la compétence est déjà acquise.
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