jeudi 17 novembre 2016

Des Profondeurs Aux Cîmes


練重使輕 
S'entraîner lourd, utiliser léger

練低使高* 
S'entraîner bas, utiliser haut

輕則靈敏, 重則穩健** 
Léger donc agile et vif, lourd donc stable et constant

逍遙遊*** 
Du plaisir au sein d'une aisance sereine




Lorsque l'on se bat avec des lames acérées, la vitesse paraît cruciale et plus on est léger, plus on est rapide. Donc, quelque soit les spécificités de telle ou telle profession martiale, il semble alors naturel de s'entraîner avec des postures hautes pour favoriser la mobilité et léger pour être le plus réactif possible, comme une feuille au vent. Cependant, entraîner le corps à devenir plus rapide et bouger vite sont en fait deux choses différentes, surtout quand vitesse et puissance proviennent concurremment de l'élasticité des tissus conjonctifs
De plus, si l'on peut bouger vite en maniant un arme spécialement lourde et avec une posture basse, on sera certainement encore plus rapide avec une arme légère et en adoptant des postures hautes, qui peut le plus peut le moins. En suivant ainsi la logique de s'entraîner de façon opposée à celle de combattre, avec des postures relativement hautes et bougeant aussi légèrement que possible lors d'un affrontement, l'entraînement allait privilégier les objets lourds et les postures basses. Décrire certains des anciens exercices utilisant les poids peut aussi s'avérer intéressant à cette occasion. Opposés dans leurs principes, combat et entraînement se rejoignaient cependant lorsqu'il s'agissait de la respiration, du travail sur le mental, de la pratique des verrouillages pour la recherche avancée de la puissance du corps entier et par le concept de non-force, l'absolu paradoxe qui veut que l'on se sente léger comme une plume chargé comme un mulet. Afin d'éviter un trop long billet, celui-ci se limitera aux habituels principes opposés qui se rejoignent parfois, tandis que le suivant traitera des questions d'entraînement à l'aide de poids et du concept de non-force.




Bas et Lourd

Endurance, force et agilité par l'utilisation de l'élasticité des 
fascias sont les habituels buts recherchés.

Endurance
Une logique très simple: les postures basses et les poids à supporter ajoutent une pression supplémentaire sur le corps et ses organes, améliorant ainsi l'endurance. Tant les poids que les postures basses étaient ainsi utilisés pour influencer la croissance des adolescents, une période cruciale où il était vraiment possible de transformer profondément son corps. 

Force et Agilité 
Le poids supplémentaire à supporter et les postures basses, à part renforcer les tissus conjonctifs, visait aussi à étendre encore plus les lignes de fascias, gagnant donc en élasticité. Autrefois, surtout quand il s'agissait d'adolescents, les postures basses ou extrêmes étaient un moyen de se concentrer sur les parties des lignes de fascias les plus dures à étendre, comme la bandelette iliotibiale ou les tissus conjonctifs situés à l'intérieur de la zone pelvienne. En effet, pour les adolescents débutants, aller plus bas était plus important que maintenir les bons angles, ils pouvaient même adopter certaines postures normalement strictement déconseillées. Mais cela restait temporaire, jusqu'à la flexibilité requise obtenue, et supervisé. Les adultes, eux, doivent passer par un processus contraire, en premier respecter tant que possible les angles à prendre et ne descendre au détriment de l'alignement que lorsqu'assez de flexibilité à été obtenue, ceci afin d'éviter tout risque inutile. À âge différent, entraînement différent. Enfin, si le pratiquant peut rester agile tout en étant lourd et bas, il le sera encore plus haut et léger, qui peut le plus peut le moins. 

Équilibre
Les poids et leur répartition jouent sur l'équilibre, une manière indirecte pour apprendre à garder celui-ci il quand on est poussé ou tiré. Les postures très basses ne pouvant se faire avec un alignement convenable jouent de la même façon sur l'équilibre. Si l'on arrive se maintenir en équilibre dans des positions extrêmes, on le sera encore plus avec les bons alignements. Ainsi se voulait la pratique dite de la "boxe qui balance", plus connue  sous le nom de la boxe de l'homme ivre, utilisée pour principalement apprendre à rester enraciné quelque soit la posture prise****.

De tel principes vont, bien sûr, s'inverser lors du combat.




Combattre Léger et Haut

Afin d'être le plus endurant, rapide et en équilibre possible, le combat impose d'être léger avec des postures relativement hautes. 

Économies d'Énergie
Moins les charges sont lourdes et plus hautes sont les postures, moins on dépense d'énergie, le plus endurant on devient donc. C'est ainsi que certaines écoles s'entraînaient avec des armures et des armes plus lourdes que celles qui étaient utilisées lors des combats.

Vitesse
Moins de poids à supporter donc plus rapide, des postures plus hautes permettant d'être plus léger donc de bouger plus vite. C'est ainsi que certaines marches comme celle de l'hirondelle ou du serpent se pratiquaient très bas, le tronc aussi proche du sol que possible, afin d'apprendre à bouger encore plus vite et en parfait équilibre dans une posture haute.

Équilibre
Une posture naturelle, ni trop haute, ni trop basse, est la meilleure façon de garder son équilibre. Ainsi, si la recherche de l'étirement était la priorité lors de l'entraînement, surtout au début, le maintien d'une structure stable devenait la priorité lors du combat.
Cependant, lorsqu'il s'agissait de la respiration et du mental, lutte et entraînement se rejoignaient dans leurs principes de légèreté et la pratique avancée du corps entier était relativement haute.




Où Entraînement et Combat se Rencontrent

Respiration, mental et pratique avancée du corps entier sont des domaines où l'entraînement vise directement les principes utilisés en combat.

Respiration
Elle doit être longue, profonde et interrompue. Pour se faire, il faut apprendre à respirer légèrement, sans aucune contraction musculaire ou crispation nerveuse, sans presque aucune sensation d'être en train de respirer. C'est ainsi que les écoles internes avaient pour stricte règle de ne jamais forcer la respiration, le souffle restant naturel, suivant son propre rythme. En d'autres mots, la respiration n'était pas améliorée par le biais d'exercices respiratoires qui, eux, servaient d'autre buts. Apte à maintenir un souffle léger tout au long d'un lourd et long entraînement, il fallait essayer de faire pareil lors du combat. Bien sûr, légèreté ne doit pas être confondue avec peu profond.

Mental
La citation de Zhuangzi reflète parfaitement le type d'état mental recherché. En effet, trop penser et être trop concentré épuise la vitalité. Selon la médecine traditionnelle chinoise, 思 (considérer, réfléchir, penser) est un des sept affects qui épuisent la vitalité. Par conséquent il faut éviter une telle concentration qui bloque l'esprit et souvent donne mal à la tête. Ainsi, la concentration à trouver est celle qui naît d'un état tranquille et relâché, une conscience qui vient de l'absence de pensée, d'où, 無心無想我的功, "mes compétences sont sans coeur ni pensée" du précédent billet. C'est pourquoi les anciennes pratiques demandaient à l'étudiant de s'entraîner dans le même état d'esprit que celui que l'on a lors d'une promenade pour se détendre. Encore une fois, devant atteindre et maintenir un tel état lors d'entraînements stressants, longs et lourds, celui-ci devait être reproduit pendant les combats. 

Corps Entier et Verrouillages
Pour atteindre la puissance du corps entier en utilisant les lignes de fascias, Il faut être totalement connecté. Ainsi, non seulement chaque angle pris par n'importe quelle partie du corps devient une question cruciale, mais il faut aussi apprendre comment les verrouiller en cas de contact pour éviter que sa force soit dispersée et de ne pas être apte à absorber les chocs. À ce stade, toutes les articulations et la zone pelvienne sont cruciales et l'exigence d'être centré doit être strictement suivie pour arriver et maintenir un corps entier et verrouillé. Ceci oblige à prendre des postures relativement hautes, trop bas le pelvis ne peut pas être maintenu droit et centré. Ceci doit être reproduit à l'identique en combat. 




Comme il a été déjà mentionné, s'entraîner à acquérir des compétences corporelles et apprendre à bouger de façon correcte pendant un combat ne suivent pas forcément les mêmes principes, ils sont souvent opposés. En ce qui concerne les poids, il peut être non seulement intéressant de décrire la particularité des entraînements des méthodes internes, mais aussi de comprendre comment atteindre la non-sensation lorsque l'on applique le concept de non-force. 




*L'exact opposé de la citation du précédent billet 練高使低, "s'entraîner haut, utiliser bas". Une des premières méthodes pour résoudre les paradoxes, un différente tendance suit différent principes (voir plus en détails dans ce billet). 
**Méthode de Boxe, Formule des Six Nons 拳法六不訣
***Zhuangzi 莊子
****Les anciennes formations faisaient une différence entre l'équilibre, la capacité à rester dans une position stable en maintenant certains alignements, comme pour un chaise, et l'enracinement qui permet de rester sur place et sans tomber quelque soit les angles pris par le corps en utilisant le principe du lest, comme ces poupées qui le sont et finissent toujours par se redresser. 

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