mardi 14 mars 2017

Immobile, Tenant à Distance


神寧氣靜
Un esprit tranquille et des vapeurs calmes

神非其所宜而行之,則昧*
Si l’esprit ne fonctionne pas correctement, il perd sa lucidité




Suivant la théorie des principes féminins et masculins, le corps (l’externe) et l’esprit (l’interne), devraient se compenser l’un l’autre, ce qui signifie que si l’un est rapide, l’autre doit être lent. Si cela semble assez simple, cela devient complexe avec le concept de vitalité et sa matérialisation (les vapeurs) et la problématique des organes qui s’y ajoute.
En effet, alors que la vitalité concerne principalement le fait d’être rapide, les organes, la source de la vitalité, doivent rester aussi calmes que possible, sans mouvement. Afin de simplifier les différentes questions que la vitesse interne peut soulever, considérons juste quatre compétences, la capacité d’endurer, de se relaxer, d’être pleinement réveillé, et de devenir frénétique, et leur vitesse d’entraînement respective plus ou moins élevée, l’immobilité, la vitesse normale, la lenteur et la rapidité. En effet, quand on reste immobile, on entraîne son esprit à endurer patiemment, la vitesse normale est la meilleure option pour avoir l’esprit détendu, la lenteur est plus intéressante quand on essaie dans le même temps d’être aussi éveillé, et, enfin, plus on est rapide, plus on devient frénétique.
Afin d’éviter un trop long billet, chaque question sera traitée séparément, l’absence de mouvement étant la première.
Deux entraînements semblent ressortir des pratiques internes quand il s’agit d’être immobile : "Assis dans la Posture du Lotus" et "Debout sur les Piliers". Le premier se pratique assis, jambes croisées et entrelacées, la plante des pieds dirigée vers le ciel, tandis que le second est simplement le fait de rester debout, mais il était aussi pratiqué sur de vrais piliers pour améliorer, parmi d’autres choses, l’alignement du corps. Ces exercices étaient vus comme une façon de garder l’esprit concentré et imperturbable. Le premier pouvait être vu comme purement interne, tandis que le second mélangeait les deux aspects internes et externes (comme les alignements).




Dans Une Immobilité Assise et le Cœur

Certaines écoles demandaient en effet aux débutants de rester assis dans la posture du lotus pendant des heures, tout en gardant leur esprit actif mais sans pensées. Ils devaient résister à l’ennui et éloigner leur esprit des divagations. Pour atténuer l’âpreté d’une telle pratique, réciter à voix haute, voire même chanter, ou faire des gestes avec les mains, en utilisant parfois un rosaire, pouvait être autorisé au début, une sorte de transition en gardant un infime mouvement au départ. Les étudiants étaient souvent sous surveillance, afin de les empêcher de s’endormir et pour leur enseigner comment une respiration adaptée pouvait les aider à contrôler, à travers leurs battements de cœur, les pensées que pouvaient faire naître leurs émotions. Il fallait atteindre l’état dans lequel les yeux étaient naturellement brillants, en étant plein de vitalité et totalement éveillé, tandis que le reste du corps était totalement immobile, sans aucune expression faciale, ayant quasiment l’aspect d’un mort à l’exception des yeux.
L’absence d’expression faciale devait provenir d’une absence totale d’émotions. Cependant, une telle pratique n’avait rien à voir avec un état méditatif, à moitié endormi, il fallait au contraire être totalement éveillé. Deux pratiques extérieurement semblables mais très différentes du fait de leurs buts, se relaxer ou méditer. D’où la confusion de nos jours dans les pratiques martiales de loisir entre la méditation et sa forme équivalente au sein des pratiques martiales. En effet, le but de telles pratiques pour les arts martiaux internes n’était certainement pas d’entrer dans un état méditatif mais d’atteindre le même état de présence et d’éveil que celui que les animaux ont dans leur environnement quand ils sont totalement immobiles, sans aucun mouvement, aucune expression faciale ou corporelle mis à part pour leurs yeux, ouverts et mobiles si nécessaire.
Enfin, sans pensée et sans émotion, on dépense évidemment moins de vitalité, un autre effet important recherché (alors que la vraie méditation épuise la vitalité, un autre effet depuis longtemps oublié).

Si, dans une posture assise, le corps et les organes devaient être totalement calmes et que la vitalité circulait plus vite juste parce que rien, tout étant immobile, n’interférait, un autre entraînement utilisait la méthode : " un corps immobile pour des organes actifs".




Tenir les Piliers pour Fixer

Un autre entraînement était, évidemment, de tenir une posture basse de préférence, tout en essayant de résister à l’envie de se relever quand cela devenait douloureux, et ce jusqu’à ce qu’une vague de chaleur parcoure les muscles des jambes. De façon externe, c’était un entraînement adapté pour apprendre à garder un bon équilibre à travers des alignements corrects et à s’enraciner en tenant une posture relativement basse. L’idée, comme mentionné précédemment dans Agiter Dans Tous Les Sens, était d’être capable de prendre instantanément une posture avec la juste position, donc des alignements corrects. Cela était appelé "fixer la forme".
Le processus était similaire pour l’aspect interne. Tout d’abord, il fallait avoir des alignements corrects pour maintenir les organes à leur place, comme un estomac plat, là où l’externe rencontre l’interne. Ensuite, il fallait les garder aussi calmes que possible, spécialement quand l’effort et la douleur pouvaient faire s’emballer le cœur. On devait s’entraîner jusqu’à ce que la capacité de "fixer le cœur" soit atteinte, une capacité d’être aussi résistant que possible à la pression externe. En effet, en étant capable de contrôler l’augmentation de la fréquence cardiaque dans une situation de stress créée par le fait de résister à la douleur en tenant une posture basse, on pouvait aussi contrôler les battements de cœur à travers des techniques de respiration appropriées, pour d’autres situations stressantes avec "le cœur qui s’emballe".
Tenir des postures basses était aussi un des moyens de prédilection pour créer plus de vitalité en chauffant les organes grâce à la vague de chaleur des jambes, créant des vapeurs, d’où l’amélioration de la vitalité. Le corps étant sans mouvement, l’esprit libéré de toute émotion, le ratio création/diminution de la vitalité était plutôt haut, supérieur aux entraînements en mouvement qui faisaient indirectement faisait bouger les organes et créaient des émotions jusqu’à l’épuisement.




Capable de contrôler les battements de cœur à travers le souffle dans les situations de stress, on pouvait commencer, alors, à envisager les entraînements en mouvement. Cependant, afin de rester aussi détendu que possible, l’un des credo des pratiques internes, on débutait avec la vitesse normale, l’entraînement le plus détendu possible.




*Le Corps Contient la Vie, les Vapeurs en Sont la Racine 形為命之舍,氣為命之根. Toutefois 昧, le dernier caractère, signifie obscur, sombre, "perdre sa lucidité" semble la meilleure traduction dans ce contexte. Il semble aussi intéressant de noter que 昧 est aussi utilisé pour décrire une vision défectueuse, comme le daltonisme "目不别五色之章为昧", les yeux étant un moyen très important de juger l’état de l’esprit dans les pratiques internes. D’où la différence au niveau des yeux dans les deux postures du lotus décrivant certaines compétences internes essentielles.
** la Théorie du Yin Yang, 陰陽之理


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