dimanche 14 septembre 2025

Souffle de Fer


治身:天門,謂鼻孔開,謂喘息闔,謂呼吸也1.
Cultiver le corps : la Porte Céleste, appelée l’ouverture des narines, appelée la fermeture du souffle haletant et au repos2, ce qui s’appelle expirer et inspirer3.

天門亢,擤鼻,旡
La Porte Céleste est hautaine, se moucher, s’étouffer4.




L’entraînement au fer et sa principale technique de respiration, la respiration par le vide, sont des exercices de moins en moins pratiqués dans les pratiques internes. Ils visent la capacité à contracter toutes les parties du corps tout en se relaxant et en s’étirant. Ils utilisent un ancien type de respiration, parfois lié aux pratiques taoïstes, qui consiste à prendre une longue expiration pour vider autant que possible, non seulement les poumons, mais aussi l’estomac et tout le tronc au minimum, et à maintenir à tout prix cet état pendant l’inspiration.




I. Tension Externe Par La Relaxation

Ici, le fait que le corps ait été réellement transformé, en particulier les muscles, joue un rôle crucial. Suffisamment modifié, il faut approfondir le réflexe de relaxation et d’étirement musculaire.

1.1 Prérequis
Il est important de rappeler à quel point la structure musculaire est différente dans les arts internes et comment elle influence la mécanique du corps. Cette partie est souvent mal comprise par les élèves et la plupart du temps négligée, ce qui rend en fait impossible de vraiment tirer profit des pratiques internes. En effet, si l’on ne parvient même pas à acquérir la forme externe nécessaire, comment peut-on développer davantage les compétences internes recherchées ?
Les arts internes entraînent différents types d’étirements, sur tout le corps, afin de briser et de réduire la masse musculaire. On utilise parfois l’image selon laquelle il faut passer de muscles ronds et durs à des muscles ovales et souples.
Cela répond à plusieurs objectifs :
- Le premier et le plus important est la pierre angulaire des arts internes : l’endurance. Les muscles brûlent beaucoup d’énergie, réduire leur masse globale améliore l’endurance. La question est alors : qu’en est-il de la puissance ? Il faut alors se référer à un dicton martial bien connu : « Sans force, la meilleure force », 無力優力.
- La structure en tant que moyen de puissance est préférée dans les arts internes (si l’on s’entraîne dès le plus jeune âge, les os sont en fait la principale source indirecte de force, mais c’est un autre sujet). La diminution de la masse musculaire permet aux fascias de se développer davantage, renforçant ainsi la structure, mais la rendant également plus souple.
- Les muscles seront alors principalement utilisés pour créer du mouvement, rendant ce qu’il en reste plus réactif et encore moins énergivore.
- Plus de fascias et moins de masse musculaire réduisent considérablement la pression sur les articulations, ce qui est un autre moyen de rendre le corps plus résistant.
- Ce type d’entraînement, au lieu de pousser les veines hors du corps, les enfonce au contraire plus profondément dans le corps, améliorant ainsi l’isolation et, par extension, l’endurance....
Il n’est alors pas vraiment difficile de vérifier si l’on a atteint la masse musculaire et la structure adéquates. Certaines parties, comme les biceps, sont assez évidentes, devenant tendres, longs, plats et sans veines apparentes, contrairement à ceux qui sont durs, courts, arrondis et avec des veines saillantes. Néanmoins, si l’on vient d’un milieu non sportif, avec des muscles très relâchés, le changement peut être plus difficile à repérer. Dans ce cas, tout est question de forme. En effet, ce sera la différence entre avoir l’air flasque et avoir une forme ferme, relâchée ou tendre.

1.2 Arc
Il faut toujours revenir à l’image d’un arc tendu par l’étirement. Une fois la bonne structure musculaire obtenue, l’élève apprendra peu à peu à utiliser ses muscles différemment. Au lieu de créer une tension par leur contraction, l’idée sera de les détendre autant que possible tout en les étirant de plus en plus. L’étirement s’étendra alors à tous les tissus fasciaux, ce qui créera la tension.
En d’autres termes, si l’on prend l’exemple du bras, la tension du biceps par contraction se fait généralement en pliant le bras, puis en raccourcissant les sarcomères. La faire par étirement consiste à tendre le bras et à allonger les sarcomères.
C’est là que la structure devient cruciale. En effet, lorsqu’on les étire, le premier mécanisme de sécurité du corps consiste en fait à créer une sorte de réflexe de rebond où le muscle se contracte et résiste à l’étirement. Or, si l’étirement est suffisamment fort, un autre mécanisme de sécurité dans les tendons sera utilisé, créant l’effet inverse, à savoir la relaxation et l’allongement des muscles5. Par conséquent, en ce qui concerne la structure, des muscles trop durs ne pourraient pas s’étirer trop, pas plus que des muscles trop lâches. Comme pour la branche d’un arc, le bois doit être ferme, mais flexible…
Pour s’entraîner au fer, il faudra résoudre un autre problème : comment contracter toutes les parties du corps ? Dans ce cas, il s’agira d’alignements. En effet, pour atteindre la puissance de du corps entier, tout doit se contracter ou se détendre en même temps et avec la même intensité. Il s’agit alors de trouver quelle partie du muscle/fascia ou du corps ne se contracte pas alors que le reste le fait. Il faut ensuite rechercher un alignement approprié qui permettra d’y parvenir. Aujourd’hui encore, on peut observer les vestiges de cet entraînement, lorsqu’une personne effectue des mouvements tandis qu’une autre vérifie son corps, en lui indiquant les parties qui ne sont pas tendues.

Au-delà de la relaxation et de l’extension musculaires, une autre méthode était utilisée pour contracter tout le corps : « la respiration par le vide ».




II. Tension Interne Par Le Vide

Il peut être utile, dans un premier temps, d’expliquer à nouveau ce que signifie la respiration par le vide, puis de décrire son lien avec la contraction du corps par l’étirement.

2.1 Respiration Par Le Vide
Il s’agit d’une technique de respiration ancienne dont l’exercice de base est en fait assez facile à comprendre. Il faut expirer très lentement, aussi longtemps que possible, tout en essayant de vider chaque partie de son corps. Pour ce faire, il faut commencer par le périnée, puis passer au bas du ventre, puis au haut du ventre, à la poitrine… Il y a donc un ordre à respecter. C’est aussi pourquoi cette technique est également appelée « ventre plat » ou « avaler le ventre ». Avec le temps, on essaiera non seulement de repousser le réflexe de déglutition qui survient à la fin d’une expiration aussi longue, forçant le corps à inspirer à nouveau, mais il faut également rendre la transition et l’inspiration elle-même aussi légères et lentes que possible. Dans certains styles, ce type de respiration est appelé en chinois 吐納. Cela est souvent traduit par « rejeter l’air vicié et aspirer de l’air frais ». Mais c’est, après tout, ce que l’ont fait également par la respiration normale. Par conséquent, pour mieux comprendre l’aspect pratique de cette technique, il est nécessaire de comprendre que 吐, cracher est, en fait, dans ce cas-là une abréviation de 吐絲, extruder de la soie (comme le font les vers à soie, les chenilles, les araignées…). L’idée est d’expirer très légèrement (comme si l’on extrudait un tout petit fil de soie), de manière régulière, sans interruption ni changement brusque de rythme, afin que le fil ne se rompe jamais. Pour ceux qui pratiquent le dévidage de la soie, 纏絲功, il s’agit de l’équivalent respiratoire.
Malheureusement, cette technique nécessite des prérequis en matière de pratiques internes. Il y en a deux : comprendre la notion, s’être entraîné et avoir maîtrisé les Champs de Cinabre jusqu’à la compression, et avoir amélioré la respiration cutanée. Sinon, l’estomac se videra, mais ne sera pas vraiment tendu. En effet, pour atteindre un tel état, il faut comprendre les concepts de 灌 et 贯. En gros, on apprend d’abord à former une sorte de boule d’air dans l’estomac, en le tendant, mais sans l’aide des muscles. Cette technique est connue sous le nom de « faire sombrer le(s) Champ(s) de Cinabre », 沈丹田, ce qui est la technique d’accumulation. Ensuite, il faut apprendre à réduire de plus en plus cette boule, c’est la technique de compression, en réduisant l’estomac jusqu’à ce qu’il devienne plat, mais toujours tendu de la même manière que la « boule d’air » (l’endroit le plus facile pour vérifier si cela est fait correctement est le Champ de Cinabre du milieu). Ces deux processus ne sont pas trop difficiles à réaliser. Malheureusement, le manque de connaissance de l’existence du second, ainsi que la méconnaissance de l’objectif derrière le port d’une ceinture, conduisent à de gros ventres gras pour ceux qui ne pratiquent que ce qu’on appelle aujourd’hui la respiration inversée.
La respiration par le vide va plus loin, elle est ce qu’on appelle la troisième étape. À l’extérieur, il est très difficile de la différencier des dernières phases de la respiration par compression. En effet, comme ce blog décrit des pratiques internes, c’est là qu’il devient crucial de savoir ce qui se passe à l’intérieur du corps et qui n’est pas visible. La première différence est que la compression peut être effectuée sans tendre tout le corps, tandis qu’une respiration vide correcte finira par le tendre naturellement et involontairement. L’autre différence principale est que chaque type de respiration a son propre objectif particulier. Dans la respiration d’accumulation/inversée, on s’entraîne à améliorer la capacité des champs de cinabre à conglomérer l’air/le gaz autour d’eux. La respiration comprimée n’est pas, au départ, un entraînement aux Champs de Cinabre, mais de tous les tissus fasciaux et musculaires à résister à l’accumulation en ne s’étendant pas et en ne saillant pas, voire, à des stades plus avancés, réduire. Néanmoins, cette pression supplémentaire est également un moyen d’améliorer les champs de cinabre en pressant sur eux encore plus. Ces deux étapes constituent ce que l’on appelle la respiration ample (full breathing), où l’on inspire et où l’on essaie, en expirant, d’abaisser autant que possible ce qui est considéré comme de l’air/du gaz dans l’estomac6. La respiration vide est un processus totalement différent qui découle du principe « Du néant naît l’existence », 無中生有. En gros, on expire et on vide autant que possible l’estomac aussi longtemps que possible, l’inspiration devenant alors un simple automatisme. Même lorsque l’on atteint naturellement le réflexe de déglutition, il existe des techniques, comme bâiller sans inspirer, pour le retarder et pousser davantage l’expiration. Bien sûr, ce faisant, on entraîne la capacité de ce qu’on appelle « transpercer les Champs de Cinabre », 貫丹田.

2.2 Vider Pour Étirer Et Tendre
L’entraînement de base se fait relativement lentement. Lorsque l’on arrive à la fin d’une longue expiration, en réussissant à résister au réflexe de déglutition, tout le corps se tend, à condition bien sûr que les tissus musculaires/fasciaux aient été transformés comme cela a été décrit dans la première partie de ce billet. Cela doit se produire naturellement, sans aucune intention de se tendre, cela ne peut être que le résultat d’une respiration par le vide appropriée. Une telle tension aura également un autre impact : elle forcera le corps à s’aligner, réduisant sensiblement le mouvement des bras et des jambes. Il est en effet important de se rappeler que l’entraînement au fer est essentiellement un entraînement aux verrous.
Autrefois, de nombreux styles divisaient leurs mouvements en deux parties : extension et rétraction. La première phase correspond généralement au moment où l’on projette un membre, et l’autre au moment où on le ramène. Le rythme est alors le suivant : une expiration lente et longue lors de l’extension ; un arrêt à la fin, aussi long que possible, en essayant de repousser le plus possible le moment du réflexe d’avaler/inspirer ; ensuite, lorsqu’on inspire réellement ou qu’on dupe le corps avec la technique du bâillement sans inspirer, on rétracte celui-ci, lentement, mais à un rythme globalement plus rapide que lors de l’expiration. En bref, l’expiration doit être nettement plus longue que l’inspiration. Pour ceux qui ont entraîné leur souplesse, comme le grand écart, par exemple, il y a une certaine similitude avec la méthode qui consiste à expirer le plus longtemps possible pour essayer de descendre le plus bas possible. Ce faisant, le corps se tend au maximum pendant l’expiration, et dans une moindre mesure pendant l’inspiration, se relaxant juste assez pour pouvoir se rétracter.
Ce type d’entraînement de base a également un autre objectif : trouver ou retrouver l’union entre la respiration et le mouvement. L’unification n’est pas la coordination, il est très important de faire cette distinction. La coordination est considérée comme une question d’adéquation entre la vitesse et le souffle, tandis que l’unification tourne autour de l’absence d’essoufflement. L’essoufflement, en ce qui concerne l’entraînement, est également un concept souvent mal compris. Il ne désigne pas seulement le fait d’être essoufflé pendant un entraînement intense, mais celui d’avoir une respiration superficielle tout en étant immobile. Une respiration très légèrement irrégulière, saccadée ou haletante peut être difficile à détecter, mais elle indique que le corps et la respiration ne sont pas unifiés. Lorsque l’on pratique lentement la respiration pour s’entraîner au fer et à celle par le vide, chaque fois qu’elles ne sont pas unifiées, cela devient évident, la respiration se fait par à-coups et l’on commence automatiquement à haleter.
Enfin, une fois cette technique maîtrisée, il faudra revisiter d’autres techniques de respiration, telles que la respiration par le nombril, les pieds, avaler-cracher, etc. En effet, la respiration par le vide est un autre domaine qui implique de tout reprendre presque à zéro, non seulement parce que l’expiration vient en premier, mais aussi pour son impact sur le corps, qu’elle tend au maximum.




L’entraînement au fer donne les outils nécessaires pour tendre autant que possible son corps en utilisant la relaxation musculaire et les étirements. Cependant, même si cela renforce le corps et que l’on comprend enfin comment générer de la puissance autrement que par la contraction musculaire, cela ne peut pas s’appliquer directement au combat, car cela serait pour le moins contre-productif en termes d’endurance (la vitesse est en fait couverte lors de l’entraînement à la respiration vide par le couple « avaler-cracher »). D’où l’entraînement au coton, dont le but est d’apprendre à maintenir le juste niveau de tension. Mais pas dans le prochain billet, désolé ,-p.




1. 老子河上公章句, 能為, Chapitres et Versets de Laozi du Heshang Gong, Capacité.
2. 喘息 est souvent traduit simplement par « respiration », alors que 喘 fait référence à l’halètement et 息, par opposition, à une respiration au repos (détendue). C’est pourquoi certaines écoles opposent les deux caractères de cette manière, le premier étant considéré comme la mauvaise façon de respirer et le second comme la bonne. Ici, la citation semble souligner une autre différence : la respiration par la bouche ou par le nez, c’est pourquoi 喘息 doit être considéré principalement comme une référence à la respiration par la bouche dans ce cas.
3. 呼吸 est le terme général pour désigner la respiration. En recherchant « respiration vide », il faut tenir compte du fait que c’est 呼, l’expiration, qui vient en premier.
4. À ce stade de la formation, un élève ne dispose pas de beaucoup de dictons d’arts martiaux qu’il peut utiliser pour approfondir ses recherches. La plupart du temps, il s’agit d’une transmission exclusivement orale qui s’est perdue, car de moins en moins de personnes possèdent ce type de compétences. Ces trois termes sont utiles pour rechercher « respiration vide », 旡 étant tiré de 炁.
5. Pour ceux qui sont intéressés, recherchez « fuseau neuromusculaire » et « organe tendineux de Golgi » ou GTO.
6. La question du Champ de Cinabre supérieur a été délibérément laissée de côté dans ce sujet, car il s’agit d’un processus assez différent et difficile à décrire.

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