dimanche 29 juin 2025

Jeune à Jamais


拳怕少壯
Le poing craint les jeunes et les vigoureux1.


少時練得一身勁,老來健壯少生病
Un corps entier entraîné à être fort lorsqu’il est jeune, (devient) robuste, en bonne santé et rarement malade à un âge avancé.

練出一身汗,小病不用看.
S’entraîner à transpirer sur tout le corps, (pour) ne pas s’inquiéter des maladies bénignes.

身體鍛鍊好、八十不服老
Un corps bien entraîné, quatre-vingts ans sans se laisser abattre par la vieillesse.

二五更的功夫
Des compétences issues d’un coucher et d’un lever tôt2.




Une partie des pratiques anciennes, qui s’est presque perdue de nos jours, est l’entraînement des organes et la transformation profonde du corps. Rester en forme, pour les anciennes pratiques internes, c’était améliorer ses organes, l’alchimie interne, qui, entre autres, permettait de ralentir le processus de vieillissement et de garder sa vitalité à son meilleur pendant longtemps. 少壯, jeune et vigoureux, met l’accent sur cette nécessité.
Ce type d’entraînement est souvent mal compris, car il entraîne de nombreux comportements qui s’opposent aux autres pratiques martiales et aux sports en général.



Les exercices physiques de base, les étirements, tout sport pratiqué de manière pas si intensive qu’on finisse par se blesser, sont également un moyen de rester en forme et jeune. La principale différence est que les anciennes pratiques internes en avaient fait le centre de leur entraînement. Elles avaient conçu un système d’entraînement où la santé des organes était la priorité, non l’apparence extérieure du corps3.

À une époque où la technologie et la médecine étaient moins développées, il était crucial de garder un corps en forme et en bonne santé, surtout lorsque la pratique n’était pas destinée aux loisirs ou à la sphère civile, mais à une profession dans l’armée ou les forces de sécurité, par exemple. Ainsi, si avoir des organes forts ne faisait pas un bon combattant en soi, c’était sur ces bases que l’on pouvait s’entraîner efficacement pour le devenir. Les bases, les fondements… On peut faire une comparaison avec les véhicules. Chaque véhicule est construit en fonction de son usage, course, utilitaire, transport, livraison et ainsi de suite… L’objectif principal de ces anciennes pratiques était de transformer profondément le corps afin de le rendre le plus adapté possible au type de combat auquel il était destiné4.

Plus généralement, et sans tenir compte de la spécialisation, la vitesse, la précision, l’endurance et la force5 étaient des qualités recherchées, quelle que soit la pratique martiale concernée. Pour les arts internes, le principal moyen de les améliorer était d’améliorer son métabolisme en renforçant ses organes. Le reste, y compris les muscles, était secondaire. C’est pourquoi certains ont appelé ces pratiques arts internes, car l’entraînement est principalement axé sur l’amélioration des entrailles et des viscères, et non des muscles, qui seraient également améliorés, mais seulement par extension. À l’inverse, les arts dits externes mettent l’accent sur l’utilisation des muscles et les organes sont améliorés, dans ce cas, par extension.

Les façons permettant de déterminer les résultats d’un bon entraînement en interne étaient nombreuses : de l’examen des extrémités6 à celui des yeux, du temps et de la fréquence de l’urine et de la défécation à l’apport alimentaire, du temps nécessaire pour s’endormir à la durée du sommeil, de la résistance aux conditions climatiques extrêmes à un état d’esprit toujours plus serein…
Il n’en reste pas moins que la façon dont on vieillit reste certainement aussi quelque chose de très efficace pour juger de sa pratique.
歲月不饒人, les années (et les mois) ne pardonnent pas, est un dicton chinois qui peut être tout à fait approprié. En effet, la trentaine passée et le début des signes de décrépitude du corps étaient un moyen de vérifier la santé réelle de ses organes. La peau, les dents, les cheveux… et leur flétrissement naturel étaient un moyen de savoir si l’entraînement des organes avait été fait correctement. Ainsi, un internaliste digne de ce nom était censé avoir l’air d’avoir vingt ans de moins et d’être encore capable de brûler la chandelle par les deux bouts longtemps après que d’autres gens de la même génération ne puissent plus le faire.




Il peut donc sembler intéressant de revenir sur la façon dont les pratiques internes abordent l’entraînement des organes et l’un de leurs effets emblématiques, les vapeurs, dans les prochains billets sur le sujet.




1. Première moitié d’un dicton soulignant que, dans le maniement des armes, l’expérience est plus importante que la force brute. Une autre interprétation est qu’il faut entraîner le corps pour qu’il reste jeune et vigoureux le plus longtemps possible. En fait, on s’entraîne pour apprendre à maintenir le moteur à son meilleur niveau le plus longtemps possible. La deuxième partie de la formation, « 棍怕老郎 », « le personnel craint le vieux monsieur », signifie qu’une bonne utilisation repose principalement sur l’expérience.
2. Dicton du nord de la Chine. Les anciens praticiens préféraient s’entraîner au milieu de la nuit, principalement, mais pas seulement, en raison du calme et de l’obscurité. La période de trois heures à cinq heures du matin est également considérée comme une tentative d’entraînement autour et jusqu’à l’aube, lorsque « le ciel et la terre échangent », créant ainsi de la rosée. Et, après tout, l’une des significations originales du fameux 气 est « les vapeurs qui s’élèvent d’un champ au petit matin », un autre résultat de cet échange.
3. Ces deux critères ne s’excluent pas l’un l’autre et le fait d’être « beau » fait également partie de l’entraînement interne. La principale différence est qu’un beau corps sera recherché comme le reflet d’une bonne santé, et non comme un but en soi. Par exemple, et contrairement à la mode du ventre à bière dans certains cercles internes, un ventre plat était recherché comme un moyen de placer et de maintenir les organes physiques à leur juste place et à leur juste taille. Dans le même esprit, 髮,舌,齒,指, les poils, la langue, les dents et les doigts étaient un autre moyen pour les internalistes de vérifier la santé générale de leurs organes.
4. Comme de nos jours, avec les différents corps d’armée et commandos dont l’objectif peut changer radicalement la formation, la différence entre le corps des Marines et l’armée de l’air, par exemple. De même, dans le passé, certaines pratiques d’arts martiaux pouvaient être très spécialisées et les exigences corporelles très différentes. Une piste de recherche que l’on peut encore explorer aujourd’hui est la différence entre les compétences dites légères et celle dite terrestres, 轻功 et 地功, les premières étant plus connues. Une autre, très liée aux organes, était la différence entre utiliser un vide émotionnel ou, au contraire, pousser son état émotionnel à l’extrême, comme le fameux mode Bersek. Ou, plus simplement, la différence entre le type de corps le mieux adapté à l’infanterie lourde et à la cavalerie légère, par exemple.
5. En fait, l’amélioration de la force visait surtout l’endurance. En effet, avec une arme tranchante, il s’agit souvent plus d’être précis que puissant. Le mythe de la « main vide » a apporté la puissance comme moyen, une frappe si puissante qu’elle peut tuer quelqu’un. Pourtant, avec les armes, surtout les lames, la précision est plus importante que la puissance. Néanmoins, la puissance était une qualité importante, car elle permettait une plus grande endurance. D’où les expressions telles que 練長使短, entraînement long pour une utilisation courte, ou 練重使輕, entraînement lourd pour une utilisation légère, où la pression supplémentaire exercée sur les organes pour les rendre capables de générer plus de puissance était en fait destinée à accroître l’endurance.
6. Les poils, la langue, les dents et les ongles, tout à fait semblables à une ancienne méthode de contrôle des chevaux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire