lundi 30 juin 2025

Étirer Ses Bases


未學功夫,先學跌打
Avant de s’entraîner aux habilités, il faut étudier les acrobaties1.

La souplesse fait l’objet de recherches depuis plus de cent ans. Son bilan n’est pas impressionnant, surtout si on la compare à d’autres composantes de la condition physique. La flexibilité n’a pas de valeur prédictive et de validité concurrente avec des résultats significatifs en matière de santé et de performance. Par conséquent, elle ne devrait plus être considérée comme une composante majeure de la condition physique2.

三年樁,兩年拳
Des postures pendant trois ans, boxer pendant deux ans.




La première citation fait apparemment le lien entre la pratique des arts martiaux et les acrobaties, qui deviennent un prérequis. Celles-ci et l’extrême flexibilité qu’elles requièrent ne semblent pas avoir grand-chose à voir avec l’utilisation d’une épée ou de toute autre ancienne arme. Alors, pourquoi ont-elles fait partie de l’entraînement de base de nombreux styles jusqu’à récemment, partagées à la fois par les méthodes internes et externes ?

Pour le comprendre, il faut revenir à 法是功能之基, (la) méthode est le fondement de (notre) capacité. En effet, la question n’est pas de savoir si un exercice est bon ou mauvais, mais quand il doit être pratiqué, dans quel but et où il peut mener. De nos jours, parce que l’essence des méthodes anciennes s’est perdue, les gens à tout âge s’entraînent sans discernement à des exercices qui étaient en fait destinés à un certain type d’âge, voire parfois de corps. Fondamentalement, l’enfance, la puberté, l’âge adulte, la maturité et la vieillesse devraient tous faire l’objet d’un entraînement spécifique. Par conséquent, les enfants qui consacrent la majeure partie de leur entraînement à des exercices de flexibilité statique et les adultes qui font de même, mais seulement pendant cinq minutes et en guise d’échauffement, sont en fait deux choses totalement différentes. Dit ainsi, cela semble évident, mais, en ces temps de standardisation, les enfants et les adultes ont tendance à s’entraîner de la même manière en ce qui concerne la souplesse dans la plupart des pratiques martiales modernes. C’est pourquoi l’entraînement à la souplesse, en tant que base de nombreux arts martiaux, ne peut être compris qu’à la condition qu’il soit accompli au départ pendant l’enfance ou la puberté3.

Parce que nous avons tous tendance à devenir de plus en plus rigides avec le temps, la souplesse acrobatique avait pour premier objectif de ralentir le processus de vieillesse qui allait rigidifier le corps. Commencer dès le plus jeune âge allait influencer la façon dont le corps se formerait4 lors de sa croissance jusqu’à l’âge adulte. En commençant sa vie adulte avec un corps beaucoup plus souple que la plupart des gens, la rigidité due au vieillissement sera plus tardive et avec moins d’effets.
De plus, la flexibilité permettant une plus grande amplitude de mouvement, était aussi un moyen de prévenir les blessures dues aux faux mouvements. En effet, un corps capable de se plier dans toutes les directions réduit les risques de se froisser un muscle, par exemple.
Enfin, des exercices comme le grand écart (avec des angles corrects) et plus particulièrement le fait de lever une jambe en hauteur et de la garder ainsi permettaient de renforcer la zone située entre la taille et les hanches, et plus particulièrement le périnée. Cette zone est au cœur de la plupart des entraînements d’arts martiaux.

Ces qualités de base, parce qu’elles étaient destinées aux enfants ou aux adolescents, ne nécessitaient que quelques mois d’entraînement. C’est à ce moment-là que le corps était prêt à commencer l’autre apprentissage, pas avant, d’où la troisième citation.
Il est intéressant de noter que, qu’elle soit externe ou interne, la première étape de l’entraînement consistait, en effet, à transformer le corps afin de le rendre aussi adapté que possible au type de pratique envisagé. Dans le monde des loisirs, cela s’est pratiquement perdu, les gens se contentant de suivre plus ou moins le même type d’entraînement, quel que soit leur âge. On est loin des anciennes méthodes où les enfants, les adolescents et les jeunes adultes bénéficiaient de toutes sortes d’entraînements adaptés à leur état physique et mental.




Les styles internes sont allés encore plus loin, en concevant une méthode où les tissus conjonctifs deviennent la principale source de puissance, tandis que les muscles sont principalement utilisés pour se déplacer. En outre, ils prenaient également en compte les organes. Pour ce faire, une grande partie de l’entraînement consistait à transformer le corps en profondeur par toutes sortes d’étirements.




1. La traduction plus traditionnelle de ce dicton fait bien sûr référence à la pratique des rebouteux dans la médecine traditionnelle chinoise, 跌打. Le mépris à l’égard de l’acrobatie dans certains cercles d’arts martiaux a mis de côté les culbutes, les sauts périlleux… des entraînements qui nécessitaient pourtant beaucoup d’habileté et de souplesse. Pour cette raison, 跌打 est également utilisé comme terme pour tous les exercices liés à la culbute et à l’acrobatie. Il est également utilisé dans son ancien sens de « prendre une raclée » pour d’autres entraînements extrêmes destinés à renforcer le corps en subissant une véritable volée de coups…
2. Traduit de James L. Nuzzo, Sports Medicine, 01 mai 2020.
3. Même le début de l’âge adulte serait considéré comme trop tardif, à moins que l’étudiant ne soit naturellement flexible.
4. C’est dans ce sens que certains arts considèrent le terme « formation du corps », une transformation profonde des tissus, des os, des organes et ainsi de suite.

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