vendredi 31 mars 2017

Prendre Son Temps


故形氣盛而能縱橫,精神斂而能飛騰*
Par conséquent, on ne connaît pas de gêne quand les vapeurs prospèrent, pouvant s'envoler lorsque l'on a collecté assez de vitalité.

鬆則活變**
De la relaxation viennent les changements dynamiques

且夫乘物以遊心,託不得已以養中,至矣***
De plus, laissez votre cœur se promener au sein des circonstances, tout en maintenant à contrecœur la poursuite de votre centre, c'est tout ce qu'il faut.




A partir du moment où on avait fixé sa forme et son cœur par l’immobilité, on pouvait envisager le mouvement, la vitesse normale étant la première étape puisqu’elle permettait à l’étudiant de rester détendu.
Une relaxation profonde et ininterrompue étant le plus important des principes dans les pratiques internes, rajouter quelque pression que ce soit devait être fait avec méthode et de manière progressive. Par conséquent, l’apprentissage du mouvement en commençant à un rythme normal et détendu était la méthode privilégiée des pratiques internes. La vitesse normale n’était pas qu’une façon d’aller au-delà de la juste mémorisation, mais aussi le moyen d’apprendre comment utiliser sa vitalité.




Garder l’Esprit en Mode Loisir

La première chose sur laquelle travailler quand on évolue à un rythme normal est de garder son esprit totalement détendu, comme si on faisait calmement quelque chose, très similaire en cela aux principes des citations de Zhuangzi. Dans ce type d’entraînement, l’esprit doit être aussi détendu que le corps, dans le même état que si on allait faire une promenade, comme déjà mentionné dans Agiter Dans Tous Les Sens. L’idée est pour l’étudiant(e) d’atteindre l’état dans lequel il/elle n’aura à accomplir aucun effort conscient de mémorisation ou quelque réflexion que ce soit, jusqu’à ce qu’au contraire les mouvements deviennent un réflexe inconscient. Une comparaison avec la conduite, ou n’importe quel mouvement complexe du corps, peut être faite. Pour un débutant, tout est un effort délibéré de mémoire et de réflexion, appuyer sur la pédale d’accélérateur ou sur le frein tout en regardant dans les rétroviseurs et en signalant que l’on va tourner à gauche, tout cela en même temps, peut sembler fort difficile, sans parler du fait de passer les vitesses quand la voiture n’a pas une transmission automatique. Après un certain temps, quand tout est si profondément mémorisé que l’on n’a plus à y penser, le même processus sera fait automatiquement, le corps faisant juste ce qu’il a à faire, réagissant automatiquement aux informations données par les sens. S’entraîner à vitesse normale, et donc détendu, a pour objectif un tel processus, c’est-à-dire atteindre le moment où le mouvement viendra naturellement. C’est pour cela que les Artistes Martiaux, une fois ce type de mémorisation profonde atteint, pouvaient se permettre de ne pas pratiquer les enchaînements pendant un long moment sans pour autant les oublier. Comme pour le vélo, une fois qu’on est dessus, les réflexes reviennent automatiquement, même après des années. Si les enchaînements restaient un effort mémoriel, il aurait fallu passer plusieurs heures tous les jours à les réviser, un temps que les Artistes Martiaux professionnels n’avaient pas, ayant un vrai travail autrefois (armée, police, protection…), peu d’entre eux n’étant pas seulement des professeurs, une occupation plus adaptée pour la retraite et un âge avancé.
Une fois les mouvements devenus une seconde nature, de purs réflexes, on pouvait vraiment commencer à découvrir ce qui se cachait derrière ceux-ci. N’ayant plus à se concentrer sur les mouvements à exécuter, on pouvait facilement insister sur ce qui se produisait à l’intérieur du corps, l’aspect le plus important de l’entraînement.

Cependant, mémorisation et principes gouvernant les mouvements à part, le rythme normal était aussi une façon de commencer à comprendre comment entraîner sa vitalité.




Plein de Vitalité

N’étant pas stressé par le fait de devoir se mouvoir rapidement, il était possible de se concentrer sur le moyen de mobiliser ses organes (le voleur qui espionne décrit dans de précédents billets étant le premier exercice), afin de se sentir en grande forme à chaque entraînement. Cependant, cette sensation ne devait pas être activement cherché, une des raisons derrière le mode tranquille, mais être une conséquence d’un entraînement correct. Si l’entraînement permettait de gagner plus de vitalité (voir Santé), le but principal était de pouvoir l’exploiter afin de se sentir plein d’énergie. Un signe évident d’une telle maîtrise était la capacité qu’avait un Artiste Martial de s’endormir, et, ce qui était plus crucial, de se réveiller instantanément et de passer en un instant d’un état ensommeillé à totalement éveillé. Pour une voiture, la question serait celle de l’accélération, la capacité d’atteindre une certaine vitesse dans le temps le plus court possible. Pour un Artiste Martial, il s’agit de mobiliser les organes pour rendre l’esprit aussi affûté que possible afin d’améliorer ses réflexes en devenant totalement éveillé à volonté. Cependant, la principale difficulté était qu’il ne s’agissait surtout pas d’une question de ressenti ou de sensation à rechercher, mais un processus, mobiliser les organes au travers de la relaxation, qui devait être compris et maîtrisé. Le rythme normal, n’apportant aucune pression superflue, était l’un des moyens privilégiés utilisés. En effet, il existe plus d’une façon d’améliorer instantanément ses réflexes, par le système nerveux ou grâce à l’adrénaline par exemple. Il peut être intéressant de comparer les pratiques normales et celles dites anormales face à une situation de stress :
-On utilise dans les pratiques anormales un ou plusieurs fortes émotions (colère, peur, excitation), pour libérer de l’adrénaline, augmentant ainsi son rythme cardiaque et créant un apport d’énergie, ce qui peut améliorer les réflexes ;
-On prévient, au contraire, dans les pratiques normales, toute réaction émotive en gardant ses organes sous contrôle, évitant la libération d’adrénaline, et gardant le rythme du cœur stable, ce qui rend l’esprit lucide, pouvant ainsi aussi améliorer les réflexes.




Une fois encore, les extrêmes se rejoignent, la principale différence entre les pratiques dites normales et anormales est une question de méthode, utiliser ses émotions pour exploiter la vitalité ou au contraire chercher le vide émotionnel pour trouver de la clarté (voir La Forêt).
Une fois les réflexes purement inconscients et comment devenir alerte travaillés à vitesse normale, on pouvait alors envisager des entraînements plus poussés utilisant la vitesse très lente.




*Canons du Divin Mouvement, premier paragraphe gauche (au-dessus), A propos du Divin Mouvement du Corps, 神運經右(上)第一章,言神運之體
**Boxe, Méthode des Six Non 拳法六不訣

***Zhuangzi, Chapitres internes, le Monde des Hommes, 莊子, 內篇, 人間世

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