故氣雖結而神自揚*
Par conséquent l’esprit s’étend naturellement même si les vapeurs se lient
百拳之法，以眼為網**
Toutes les méthodes de boxe ont les yeux comme pierre angulaire.
Bouger très lentement, en prenant une demi-heure pour exécuter un seul mouvement, avait pour but d’aller plus loin dans l’entraînement du cœur et de sa capacité à endurer en ayant son esprit encore plus éveillé. C’est en réalité l’essence de la technique du voleur qui épie.
Lent mais Alerte
En entraînement statique, le corps étant immobile, on a juste à se concentrer sur son esprit. Se mouvoir très lentement rend les choses plus compliquées, les mouvements du corps étant ajoutés à l’équation, comme le dit le dicton chinois "慢而不斷", lent mais sans cassure. Si rester immobile dans la posture du lotus requiert déjà beaucoup de patience, bouger très lentement en rajoute parce qu’on est tout le temps tenté de bouger plus vite sous l’effet de l’ennui ou que l’on perd sa concentration et casse le mouvement.
En ce sens, bouger lentement exige que l’esprit et le corps adoptent exactement le même rythme calme et stable, quelque chose de très difficile à attendre si le cœur ne peut pas rester parfaitement tranquille.
Cependant, bouger très lentement n’est pas une sorte de mouvement à moitié endormi, non seulement parce qu’on peut perdre le contrôle si on n’est pas réveillé, mais aussi parce que rester alerte est une qualité salvatrice pour un Artiste Martial.
D’où, une fois encore, le cœur et l’esprit sont calmes et le corps bouge très lentement pendant que la vitalité est à sa vitesse maximum, le tout en restant totalement éveillé.
Il est intéressant de noter que les anciennes pratiques soulignent particulièrement la capacité de devenir et de rester aussi alerte que possible. Après tout, l’immobilité, les rythmes normal et lent insistent tous à leur manière sur cette qualité. Dans la nature, que l’on soit prédateur ou proie, être vigilant reste l’une des principales qualités que les animaux utilisent pour simplement survivre. En ôtant la présence permanente des dangers de la vie en milieu sauvage, la civilisation a déjà naturellement altéré notre capacité à rester alerte, d’où le besoin d’insister sur de telles capacités pour les anciennes pratiques. Vivant dans des sociétés relativement en paix, les effets sur la vigilance de tout un chacun sont encore pires. Il est intéressant de noter aussi que hormis les règles venant de l’expérience, où s’asseoir, les places à éviter, toujours en groupe si possible, ne jamais laisser son arme hors de portée de main… la vigilance que les pratiques internes entraîne est celle, instinctive, provenant du subconscient. En d’autres mots, c’est l’effet « il y a quelque chose dans l’air » qui est aussi recherché, la capacité de déchiffrer sans les chercher les infimes détails, presque invisibles ou inaudibles mais engendrant ce qu’on pourrait appeler un sentiment instinctif.
Le mouvement ralenti est aussi l’un des moyens les plus faciles d’apprendre à mobiliser ses organes, la technique du voleur qui épie.
Le Voleur qui Épie
Pour comprendre la relation entre le mouvement lent, un esprit apaisé et le fait d’être totalement éveillé grâce à la vitalité, il faut revenir à l’entraînement basique de « mobiliser les organes », le voleur qui épie. En effet, un voleur qui épie doit bouger très lentement pour ne pas être repéré, tout en restant extrêmement vigilant et conscient de son environnement afin de se dissimuler de nouveau le plus rapidement possible derrière le mur s’il/elle se sent sur le point d’être repéré(e). Par conséquent, on a quelqu’un qui se meut très lentement mais reste très alerte afin d’être capable de soudainement, promptement et adroitement bouger si le besoin s’en fait sentir. Être détendu tout en tirant littéralement le corps et l’esprit dans deux directions opposées, très lentement mais en étant capable d’être aussi rapide que l’éclair, est ce qui mobilise les organes afin de faire circuler la vitalité aussi vite que possible. Un signe que l’on fait les choses correctement est à nouveau, évidemment, les yeux, grand ouverts et brillants. Après tout, le texte d’où la seconde citation est tiré poursuit par "以眼為尊，謂精神巧處全在眼上", les yeux sont les aînés, en d’autres mots, l’habile vitalité se trouve dans les yeux. Cependant, l’idée n’est pas de forcer les yeux à rester écarquillés et d’essayer de toutes ses forces d’avoir le regard brillant, il s’agit seulement d’un effet secondaire de la mobilisation des organes, quelque chose non pas recherché mais juste naturel.
Si les yeux grand ouverts et brillants sont ce qui est recherché pendant l’entraînement, il faut apprendre ensuite comment moduler son niveau de vigilance, mais ceci est un autre sujet. Il est aussi intéressant de noter que le voleur qui épie est ce qui pouvait être appelé un entraînement à la légèreté. En effet, tout en exécutant les mouvements au ralenti, il faut rendre son corps aussi léger qu’une plume. Pratiqué d’abord à mains nues, une telle légèreté devait d’abord être recherchée là où c’était le plus facile, dans les bras. Le moyen de trouver une telle légèreté dans les mains et les bras est d’évoluer comme si on tenait un objet très délicat, le genre de ceux qui se briseraient immédiatement s’ils étaient écrasés même très légèrement. Une telle qualité pouvait conduire à ce qui est souvent appelé la grâce et qui pouvait rendre les Artistes Martiaux masculins un peu maniérés, voire efféminés. Pour ceux qui le pratiquent, le travail du dévidage des cocons de soie suit les mêmes principes.
Les extrêmes se rejoignant, une fois que le mouvement très lent était maîtrisé, il était possible d’envisager enfin un entraînement aussi rapide que possible, un type d’entraînement assez difficile parce que la respiration devait rester stable, ininterrompue, le moindre essoufflement n’était même pas autorisé.
*Canons du Divin Mouvement, second paragraphe gauche (au-dessus), A propos du Divin Mouvement du Corps, 神運經右（上）第二章，言神運之體
**Postures des Frappes à Courte Distance, Manuel de Toutes les Écoles de Boxes 短打身法統宗拳譜
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