mardi 18 avril 2017

Retour aux Fascias I, Faire du Neuf avec du Vieux


然而練筋易而練膜难*
Cependant, il est aisé d’entraîner les tendons mais plus difficile d’entraîner les membranes.

筋有十二經絡**
Les fascias sont 12 réseaux de filaments

足太陽之筋***
Les fascias du Grand Masculin du Pied




Les pratiques internes sont centrées autour de trois notions : les fascias, la vitalité et le souffle. Si les fascias semblent traiter de la puissance du corps, la force externe, la vitalité de son aspect interne et le souffle de son rythme, ils sont en réalité entremêlés. En effet, le travail sur les fascias améliore les organes, par conséquent la vitalité, et régule le souffle. La vitalité, par des mouvements plus rapides, améliore la résistance des fascias et des organes plus forts autorisent un souffle plus profond et ininterrompu. La respiration, par la relaxation, améliore l’étirement des fascias et économise la vitalité en gardant les émotions sous contrôle. Certains pourraient dire que les os, notre charpente, devraient aussi être mentionnés comme une problématique importante. Cependant, ils sont des sous-produits de la vitalité par le biais des reins, et donc inclus dans celle-ci. Puisque s’entraîner c’est répéter, il semble opportun de revisiter ces trois concepts de temps en temps.
Le concept des fascias, ou des tissus conjonctifs, qui semble être apparu vers le 19e siècle dans la médecine moderne et devint de plus en plus connu récemment*** est une notion très proche, si ce n’est identique, à celle du livre de référence pour la médecine chinoise traditionnelle le plus connu, les Canons internes de l’Empereur Jaune, décrits comme 經筋, les réseaux de filaments (une ligne moderne de fascias comparée à un ancien réseau de fascias chinois). Cependant, 筋, qui est souvent pris dans son sens de « tendons » pour beaucoup d’artistes martiaux, est et n’a pas été le seul terme utilisé pour décrire les tissus conjonctifs. En conséquence, il semble nécessaire de traiter d’abord des termes recouvrant le concept de fascias en chinois.




, , et Tout Le Toutim

De nos jours, fascias est traduit en 筋膜 en chinois, 筋 et 膜 exprimant à leur façon différentes propriétés des fascias (qui signifie à l’origine « bande » en latin). Le terme 絡 est parfois employé par les auteurs souhaitant souligner l’aspect réseau des fascias à travers 經絡, les réseaux de filaments mentionnés dans les Canons internes de l’Empereur Jaune se réfèrent à 氣, les vapeurs, tandis que le terme 筋 est utilisé pour décrire les lignes de fascias.

De nos jours, ce terme est plus souvent utilisé dans le sens de tendons, veines, force… Des tendons aux fascias le lien peut bien sûr être fait, mais il est encore plus pertinent de revenir à la signification originelle du caractère. 筋 est prononcé jìn en mandarin et apparaîtra donc comme jìn dans les traductions suivantes.

"(筋)肉之力也。" (Jìn) La force de la chair.
"筋力同物。"Jìn et la force sont la même chose.
"竹,物之多筋者" Le bambou, un objet aux multiples Jìn.

Jìn est constitué de trois caractères, 竹 la partie supérieure sous sa forme de radical signifiant bambou, 肉 la partie en bas à gauche sous sa forme de radical signifiant la viande, la chair, et 力 signifiant force.
Comme les caractères classiques chinois sont la plupart du temps un mot à part entière, incluant souvent une multitude de sens, il pourrait être totalement justifié de conclure que 肉, au sens de chair, se réfère aux muscles et que la force vient des muscles, ce qui est purement logique. Mais cela exclurait deux choses, le lien avec la notion de bambou et que le terme technique de muscle, aujourd’hui traduit comme 肌肉, ne semble pas vraiment être présent en chinois classique, et encore moins le terme musclé, la force étant souvent associée aux tendons, comme dans les expressions "手瓜起腱", des bras forts et musclés, "筋疲力竭" épuisé.

力 signifiant la force venant de la chair, "肉之力", est intéressant parce qu’à l’origine il signifie aussi tendons (ou fascias), "筋也。" la définition pointant aussi que 筋 est tendons et力 leur utilisation "筋者其體。力者其用也". De plus, 力 est à l’origine un idéogramme représentant les tendons humains "象人筋之形".

竹, le bambou, participe aussi à la compréhension car ses fibres sont connectées et fermes mais souples.

Enfin, les Canons internes de l'Empereur Jaune décrivent dans le chapitre 經筋 12 réseaux démarrant soit des pieds ou des mains, jusqu’à l’estomac ou la tête, un équivalent de ce qui est décrit comme des lignes de fascias aujourd’hui. En conséquent, on ne peut exclure une signification antérieure qui serait l’équivalent de fascias pour 筋.

Mó, signifiant les membranes, qui entre autres choses enveloppent les organes, est un terme qui peut aussi être utilisé pour décrire les fascias, comme l’illustre la première citation.

筋膜
L’utilisation des deux caractères précédents pour construire un mot est la traduction moderne des fascias, le chinois classique ayant évolué d’un seul caractère/un mot à deux caractères/un mot en chinois moderne. De plus, on retrouve 筋膜 déjà utilisé dans les Canons internes de l'Empereur Jaune. De plus, on trouve effectivement déjà 筋膜 utilisé dans les Canons internes de l'Empereur Jaune.

Luo signifie filet. Il est souvent utilisé dans les Canons internes de l'Empereur Jaune. Il souligne la nature en réseau de ce qui est décrit, pas seulement des lignes séparées. Par conséquent l’expression 經絡 est habituellement envisagée comme les canaux principaux et secondaires, considérés comme un réseau de couloirs, par lesquels l’énergie vitale circule et le long de laquelle les points d’acupuncture sont distribués. De plus, on peut trouver certains textes, mais ce n’est pas le cas dans les Canons internes de l'Empereur Jaune, où 經絡 peut aussi être une référence aux fascias. D’où la seconde citation.

La connaissance est une chose vivante, elle s’améliore, décline, prend différents chemins, des vieux concepts de tendons utilisés pour exprimer la force aux relativement récents de 肌肉 faisant directement référence aux muscles en étant un exemple. C’est ainsi que la notion de tissus conjonctifs, même si elle fut décrite très tôt dans les Canons internes de l'Empereur Jaune, ne devint jamais vraiment un standard, particulièrement dans les arts martiaux où la transmission était majoritairement orale. Par conséquent, le terme 筋 lui-même a souvent été utilisé dans son sens le plus commun de tendons et de nombreuses pratiques considèrent à juste titre 筋勁, le pouvoir venant des Jìns, comme principalement lié aux tendons, leur entraînement se concentrant alors souvent sur les articulations. Pour comprendre que Jìn fait référence non seulement aux tendons mais aussi aux tissus conjonctifs, il faut ajouter un autre principe d’entraînement, 寸勁, non pas pris dans son sens habituel de force adaptée, mais dans son sens littéral d’une très petite force. En effet, les pratiques internes considèrent que dans la puissance du corps entier, la force totale de quelqu’un devrait être la somme de toutes petites forces venant de chaque infime partie de son corps. Seuls les tissus conjonctifs, ou fascias, peuvent apporter un tel type de force.




A l’heure actuelle, l’utilisation de la contraction musculaire pour créer de la force est la norme, même esthétiquement. En outre, la plupart des pratiques anciennes sont devenues principalement un loisir pour adultes rendant difficile de changer le mouvement de la contraction musculaire en un mouvement utilisant l’élasticité des fascias. Néanmoins, ce n’est pas impossible, cela prend juste du temps, de la méthode et de la détermination pour reprogrammer ses réflexes.




*Canons du Changement des Fascias
**Canons du Changement des Fascias, Secret des Vapeurs liées, discours sur l’entraînement à la forme 易筋經,貫氣訣,練形論
*** Canons internes de l'Empereur Jaune, les Canaux de Fascias, 黃帝內經,經筋. Voici comment l’Extrême Masculin du Pied est décrit : « L'Extrême Masculin du Pied démarre du petit doigt de pied remontant pour se connecter à l'extérieur de la cheville. Il remonte ensuite à l'oblique jusqu'à l'articulation du genou. Un autre faisceau, plus bas, suit l'extérieur de la cheville pour se connecter au talon, puis remonte de son tendon pour se connecter à la fosse poplitée. Le premier faisceau se connecte au côté extérieur du mollet, passe par le côté intérieur de la fosse poplitée pour rejoindre l'autre faisceau et s'unir pour remonter aux fessiers, remontant le long de la colonne vertébrale pour atteindre la nuque. Puis un faisceau s'enfonce dans la racine de la langue tandis qu'un autre remonte jusqu'au sommet de la tête en passant par l'occiput et se connecte au nez en passant par le front. Il forme ce que l'on nomme la toile des yeux (au-dessus de ceux-ci) qui rejoint le côté du nez. Il y a aussi des faisceaux au niveau du dos, un allant vers l'extérieur des aisselles pour atteindre la clavicule, l'autre rentrant par le bas des aisselles pour atteindre la fosse sus-claviculaire et ensuite rejoindre la mastoïde à l'arrière de l'oreille. Un dernier faisceau part de la fosse sus-claviculaire pour monter en oblique vers l'os zygomatique et rejoindre le côté du nez. »
(Texte d’origine : 足太陽之筋,起於足小趾,上結于踝,邪上結于膝,其下循足外側,結于踵,上循跟,結於膕;其別者,結于腨外,上膕中內廉,與膕中并上結于臀,上挾脊上項;其支者,別入結于舌本;其直者,結于枕骨,上頭,下顏,結于鼻;其支者,為目上網,下結于頄;其支者,從腋后外廉結于肩髃;其支者,入腋下,上出缺盆,上結於完骨;其支者,出缺盆,邪上出于頄。)
**** Voir, entre autres, les travaux de Tom Myers



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