技巧者, 習手足, 便器械, 積機關, 以立攻守之勝者也.*
Pour devenir habile, on doit travailler les mains et les pieds, ce qui est utile pour les armes, accumuler des mécanismes, pour permettre d'être victorieux tant dans l'attaque que la défense.
刀隨身轉, 身隨刀行
Le sabre tourne en suivant le corps, le corps se déplace en suivant le sabre.
身不離槍, 槍不離身, 槍隨身走, 身隨槍動
La lance ne quitte pas le corps, le corps ne quitte pas la lance, la lance suit le corps, le corps bouge en suivant la lance.
槍紥一條線, 棍掃一大片
La lance perce une ligne, le bâton balaye une vaste étendue.
Dans la plupart des vieilles écoles en Chine, on s'entraîne à mains nues et avec des armes. Si s'entraîner aux armes semble totalement logique, il peut être utile de dissiper la confusion entourant la notion de mains nues. Autrefois, un artiste pouvait dormir nu mais certainement pas sans son arme à portée de main. La guerre et les combats autrefois suivaient la même éternelle logique, ils étaient principalement une question d'armement. Les armes ont changé avec la technologie, mais elles ont toujours été une partie intégrante, si ce n'est essentielle, des conflits.
C'est ainsi que le but final de toute formation martiale était le maniement des armes et au combien jamais la lutte à mains nues. Aujourd'hui, parce que la plupart des anciennes armes sont devenues obsolètes, tout comme leur pratique qui s'est transformée en un passe-temps pour les civils, l'entraînement à mains nues est peu à peu devenu la partie principale de la formation. C'est ainsi que les anciennes pratiques ont évolué dans les sociétés modernes en paix vers des objectifs de compétition, self-défense pour les civils, accomplissement spirituel..., tous s'intéressant plus à l'habilité acquise à mains nues étant donné que la plupart des législations ne permettent plus de porter les armes ou, à l'inverse, autorisent les armes à feu. Ceci est certainement l'une des principales raisons qui fait que les buts originels de l'entraînement à mains nues, apprendre au corps à mieux bouger (vitesse, équilibre, enracinement ...) et être plus agile et habile en combat armé (vitesse, endurance,force ...), ont été plus ou moins mises de côté, si ce n'est totalement oubliées. L'entraînement à mains nues, de nos jours, est principalement destiné à la formation à des techniques de combat à, justement, mains nues. En effet, lorsqu'il s'agit d'un passe-temps, il ne faut pas que cela soit trop compliqué, les élèves n'ont pas le temps de s'entraîner suffisamment pour comprendre et pouvoir utiliser des mécanismes corporels trop complexes, une heure ou deux, deux ou trois fois par semaine étant largement insuffisant. Les arts martiaux ne font pas exception, ce qui est vrai pour toute étude ou formation, plus la compréhension et les capacités recherchées sont élevées, plus de temps et de dévouement sont nécessaires, il n'y aucune solution magique ou de miraculeux raccourci.
Il était commun dans de nombreuses écoles, comme cela a déjà été mentionné dans les deux précédent billets, d'avoir pour formation de base un entraînement à mains nues et un avec une arme très lourde. Suivre cette méthode peut être une autre intéressante façon de comprendre la logique que suivaient les anciennes pratiques. En effet, les mains vides formaient le corps dans son plus état le plus naturel tandis que l'utilisation d'une arme lourde dans celui le plus inconfortable possible, et l'utilisation d'une arme beaucoup plus légère lors des combat n'était autre que le juste milieu. Ceci est, en effet, un pur application de la théorie du Yin et du Yang.
Nues Donc Naturel
Comme cela a déjà été mentionné de nombreuses fois dans ce blog, une grande partie de la formation dans les anciennes méthodes avait peu à voir avec l'apprentissage de techniques de combat en tant que telles, et encore plus lorsque l'on s'entraînait les mains vides, mais plus avec l'acquisition de compétences utiles en combat.
Certainement à cause de sa taille et des nombreuses populations qui y vivaient, les armes en Chine sont très nombreuses et différentes, beaucoup plus que les traditionnelles dix-huit auxquelles il est souvent fait référence, une liste qui a déjà au moins cinq différentes versions... Si les armes préférées des armées régulières ont suivi plus ou moins la tendance générale de l'arc, l'arbalète, la lance (mais y compris une version plus complexe), le bouclier, l'épée puis le sabre, la hache et le bâton, les armes venues d'autres secteurs de la société s'avèrent parfois assez originales. Ce choix assez vaste fait que la plupart des arts martiaux pratiqué en Chine ont de nombreuses armes à leur disposition, qu'un pratiquant se devait donc de trouver son arme de choix. Et, à armes différentes, différentes façons de se bouger, manipuler un bâton rigide et une épée flexible ne se fait pas du tout de la même manière, voire même de façon opposée. La première et évidente méthode pour trouver son(ses) arme(s) de prédilection était de s'entraîner à toutes puis de sélectionner laquelle(lesquelles) étai(en)t la(es) mieux adaptée(s). Les anciennes pratiques essayant, à l'instar de tout autre domaine d'étude, d'être aussi efficaces que possible, elles mirent au point une autre façon de trouver chaussure à son pied, s'entraîner à mains nues dans un premier temps, ce qui est, en effet, un autre paradoxe. Pourquoi? Principalement pour deux raisons:
- Se concentrer sur le minimum de principes communs quelle que soit l'arme manipulée,
- Dès lors qu'un étudiant a trouvé la manière de bouger qui lui convient le mieux et lui appartient le plus, les armes correspondantes seront beaucoup plus faciles à déterminer.
Un exemple simple, donc pas totalement exact: un bâton épais sera probablement plus adapté à une personne forte d'épaules et une légère épée pour quelqu'un d'efflanqué. Le maniement des armes à part, beaucoup de compétences, comme la vitesse, la force et la flexibilité, peuvent être mieux abordées lorsque son corps ne connaît pas de contrainte, donc à mains nues. En outre, lorsque le but est de profondément changer son corps, de passer de l'utilisation des muscles en contraction/relâchement à celle des tissus conjonctifs en étirement/rétractation, un dur processus en dehors peut-être des jeunes enfants, les mains vides semblent un meilleur choix du fait du réflexe automatique de contraction pour supporter la charge lorsque l'on manie une arme.
Pourtant, une autre façon de s'entraîner est de mettre l'étudiant dans une situation particulièrement plus stressante qu'en combat, l'application directe du principe de "s'entraîner lourd, utiliser léger" décrits dans les deux précédent billets.
Herculéen Donc Peu Aisé
Une arme n'est pas un prolongement naturel de notre corps, ce qui nous rend maladroit, et encore plus si elle est lourde et surdimensionnée. Si l'on peut vraiment devenir un avec une telle arme, donc retrouver son aisance, il sera encore plus facile d'en manier de plus légères et petites (hormis l'exception notable des chaînes, cordes..., qui suivent la logique inverse).
Une fois le mouvement élastique venant de l'étirement et de la rétractation des tissus conjonctifs maîtrisé, on pouvait commencer à s'entraîner aux armes et certaines écoles en avaient une lourde et surdimensionnée spécialement conçue pour l'entraînement. Outre le fait que l'ajout de poids est un moyen pour accélérer les transformations corporelles, donc pour améliorer considérablement l'élasticité des fascias, renforcer ses organes et son ossature (voir post précédent), ils sont aussi un outil donné aux pratiquants des arts internes pour être en mesure de vérifier si ils peuvent vraiment utiliser la puissance du corps entier et bouger en utilisant le principe de non-force qui est là meilleure force.
La Force de l'Ensemble du Corps Entier
Des postures de grande lance comme "suspendre la lance"** sont tout simplement impossibles à tenir par la seule force des bras. Y arriver ou pas est donc un signe de maîtrise de la force du corps entier. En outre, plus la charge est lourde, moins le corps pourra se passer d'une de ses parties pour la manipuler. Il est également intéressant de remarquer que pour les anciens arts martiaux, surchargé et très léger sont deux extrêmes qui se rejoignent. Par conséquent bouger les mains vides comme si chacune de toutes les parties du corps était aussi légère qu'une plume est également une façon de s'entraîner au corps entier.
Non-Force
La respiration, comme toujours, est le principal moyen de juger si l'on utilise l'élasticité des fascias ou non. Arriver à maintenir un souffle long, profond et ininterrompu jusqu'à la fin d'un long entraînement avec une arme lourde et peu pratique, n'être point, même un peu, essouflé, est un signe qu'il n'y pas pas eu utilisation de contraction musculaire. En outre, faire disparaitre la sensation du poids de l'arme en est un autre.
Si on arrive à ne pas se sentir le poids de l'arme et respirer sans haleter, le corps s'est alors vraiment uni avec l'arme et l'on peut commencer à être en mesure de se déplacer naturellement.
Pour les anciennes pratiques internes, s'entraîner à mains nues et avec des armes lourdes étaient les deux côtés de la même pièce, différents chemins pour l'obtention des mêmes compétences avec l'objectif final de manipuler une arme avec le plus d'efficacité possible. Par conséquent, l'apparence martiale des enchaînements à mains nues était juste un rappel qu'ils ne s'agissait pas seulement de danse ou d'acrobaties, mais très rarement un ensemble de techniques de combat à mains nues à être étudié.
*Livre des Han, Traité sur la Littérature, 漢書, 藝文志
**Une posture très proche de certaines techniques de pêche, la lance est à la verticale son bout tenu à deux mains, collées l'une à l'autre, puis on la fait descendre lentement à l'horizontale tout en gardant les deux mains collées en son bout.
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